Ukraine : un combat pour la paix aussi à Prague

Photo: Martina Schneibergová

Le 17 novembre dernier, à l’occasion du 25e anniversaire de la Révolution de velours, plusieurs dizaines de personnes habillées en jaune et bleu ont défilé dans les rues de Prague. Récemment, le vice-président américain Joe Biden a participé aux cérémonies organisées pour le premier anniversaire du mouvement pro-occidental de Maïdan, qui a abouti au changement de pouvoir en Ukraine. Les Ukrainiens résidents en République tchèque expriment leur désaccord avec la situation actuelle dans leur pays, tiraillée entre l’est et l’ouest.

Photo: Martina Schneibergová
Le terme de « Maïdan » s’est établi dans le langage politique. Ce n’est désormais plus une « drôle de guerre », mais un vrai phénomène de liberté d’expression. En République tchèque, l’organisation « Pražský Majdan » (Le Maïdan de Prague) est dirigée par des activistes pro-ukrainiens tchèques et mène son action depuis le 6 septembre dernier. Elle rassemble aujourd’hui des représentants de différentes nationalités, russe comprise. Leur but est d’interpeller le Sénat tchèque avec une pétition que chacun peut signer chaque week-end à l’endroit des différents rassemblements, sur la place Jan Palach, en face du Rudolfinum. La pétition demande aux sénateurs de juger des déclarations pro-russes et anti-ukrainiennes du président de la République, Miloš Zeman. La pétition condamne une violation des accords entre la République tchèque d’un côté et l’UE et l’OTAN de l’autre par le chef de l’Etat, au regard de son soutien manifeste à la Russie et de ses dernières déclarations faites à la télévision publique russe à propos du conflit en Ukraine. Miloš Zeman :

Miloš Zeman,  photo: ČTK
« L’important est de comprendre qu’il y a une guerre civile en Ukraine. Il ne faut pas rêver de soutien, parce que dans des conditions de guerre civile, un soutien financier est un non-sens absolu. »

Ainsi, le président de la République tchèque refuse de reconnaître l’intervention russe, signalée par l’OTAN. L’un des organisateurs du Maïdan de Prague, Michal Majzner, trouve que cette position est dangereuse pour son pays :

« La situation actuelle est devenue pire à cause du président tchèque, car il est absorbé par les agents russes. Les déclarations qu’il a faites au printemps et celles qu’il fait aujourd’hui sont absolument contradictoires. L’aile favorable à Poutine augmente, et personne ne s’en occupe, pas plus le Sénat que le Premier ministre. C’est pour cette raison que nous sommes rassemblés ici. »

Lubomír Zaorálek,  photo: Filip Jandourek,  ČRo
Pourtant, le gouvernement de Bohuslav Sobotka se montre plutôt neutre par rapport à cette question. Il souhaite poursuivre la collaboration économiquement avantageuse avec la Russie tout en prétendant protester contre l’intervention militaire dans l’est de l’Ukraine. Ainsi, lors d’un meeting du Groupe de Visegrád en octobre dernier, le ministre des Affaires étrangères, Lubomír Zaorálek, a affirmé que les sanctions contre la Russie étaient indispensables. La position des partis de droite de l’opposition est, elle, clairement pro-ukrainienne, voire antirusse.

Cette contradiction des positions politiques relatives au dossier ukrainien mène à une divergence d’avis au sein de la population tchèque. C’est entre autres pour cette raison que les « Maïdanistes » de la place Jan Palach sont parfois confrontés à leurs opposants de « Národní rada – Skutečná demokracie » (Le Conseil national – La vraie démocratie), un groupement composé de Tchèques qui ne représente aucune force politique. Voici comment l’un des leaders de ce mouvement explique la position de celui-ci, en mentionnant Stepan Bandera, une figure historique controversée considérée comme un héros dans l’ouest de l’Ukraine et comme un collaborateur des nazis dans l’est :

Stepan Bandera
« Nous ne voulons pas de Maïdan ici, parce que nous pensons que c’est un symbole de violence, quand un Slave lutte contre un Slave. Bien entendu, nous sommes contre les Maïdans qui propagent la bienséance de monsieur Bandera, pour un fasciste chaque fasciste serait respectable. »

Sur la place Jan Palach se trouvent des pancartes accrochées sur des tentes, révélant les dernières nouvelles de l’Ukraine, des caricatures sur la situation en Ukraine ainsi que des slogans contre la guerre. Les Tchèques et les touristes semblent être intéressés par le conflit, en prenant divers tracts. Parmi les manifestants, Kateryna Skrypnyk, une ressortissante de Louhansk, ville de l’est de l’Ukraine située dans la zone du conflit, qui a expliqué de quelle façon la situation a affecté sa vie personnelle :

Photo: Public Domain
« Maintenant, mes parents ont déménagé en Biélorussie, parce que ma mère est d’origine biélorusse. Ma sœur est partie vivre à Lviv avec sa famille. Et mes amis… Il y a ceux qui font la guerre et d’autres qui ont quitté Louhansk. Maintenant, il y a des troupes russes, des tanks russes et des gens qui meurent tous les jours et c’est justement ça qu’il faut arrêter. Il ne s’agit pas d’une guerre civile, mais d’une agression russe. »

A l’échelle militaire, la situation continue d’être un sujet de grande préoccupation qui divise les Tchèques tout en plaçant le pays et leurs responsables face à un dilemme sur la scène internationale, et ce alors que l’heure est à la haine, à la xénophobie, à l’ignorance pour faire parler les armes, d’où qu’elles viennent, et quels que soient les pays qui les fabriquent et les vendent. En Ukraine, la mobilisation de soldats continue, ainsi que les manifestations anti-guerre.