Un an après, Petr Pavel clair en politique étrangère « mais avec des problèmes dans son entourage »
Le 28 janvier dernier, Petr Pavel était élu chef de l’État, en remportant le deuxième tour du scrutin présidentiel face à Andrej Babiš. Un an après, le changement après les deux mandats de Milos Zeman est remarquable et remarqué, notamment sur les sujets de politique internationale. Mais les récentes polémiques au sujet de son entourage proche sont également commentées ces dernières semaines dans la presse tchèque. Le directeur du département de science politique de la faculté de sciences sociales de l’Université Charles, Michel Perottino, a répondu aux questions de RPI.
Un an après cette victoire électorale, les débuts de Petr Pavel correspondent-ils aux attentes ?
Michel Perottino : « Certainement aux attentes d’une partie des citoyens, notamment parce qu’il est très différent du précédent président Miloš Zeman, essentiellement sur les sujets de politique internationale et l'Ukraine. »
Les compétences présidentielles tchèques restent limitées. Ses prises de positions ont-elles réellement influé sur la direction prise par Prague ?
« C’est plutôt le fait que le président Pavel soit sur la même ligne que le gouvernement qui change. Il n’y a plus de voix dissonante qui vient remettre en question la politique gouvernementale. »
S’il était auparavant ancien responsable de l’OTAN avec une expérience internationale, Petr Pavel est un nouveau-venu en politique. Pour un politologue comme vous, est-ce que cela se voit qu’il est novice ?
« Cela ne se voit pas au niveau de sa politique internationale, qui est dans la continuité de ce qu’il faisait avant. Mais cela se voit en politique intérieure, il manque d’expérience et on a parfois l’impression qu’il se laisse influencer par son entourage. »
Comment cela se voit-il ?
« D’une part par son absence sur la scène politique, sans position claire et propre. On a en fait un peu de mal à comprendre son positionnement. On perçoit qu’il est proche de la coalition gouvernementale, disons de centre-droit, mais on ne voit pas bien quelles sont ses réelles positions personnelles sur toute une série de question. »
« L’un des bons points est qu’on l’a beaucoup vu en province – M. Zeman n’avait plus la capacité de visiter ainsi les différentes régions du pays – mais sur toute une série de questions on le voit beaucoup moins sur les questions de politique intérieure que de politique internationale. »
Porte-parole remerciée; changement à la tête du cabinet
Il semble y avoir des hésitations pour les postes importants dans son entourage – c’est le moins que l’on puisse dire avec le changement annoncé à la tête de son cabinet et le départ de sa chancelière (Jana Vohralíková sera remplacée le 15 février par Milan Vašina). Est-ce le signe que ces premiers mois ne se passent pas vraiment comme prévu ?
« Il y a toute une série de signes en fait qui sont venus soutenir cette hypothèse de problèmes dans son entourage. Sa porte-parole a aussi été rapidement remerciée. On voit qu’il y a un manque d’expérience dans les relations avec l’extérieur. Le départ de la chancelière est le point d’orgue des problèmes internes. Officiellement, elle a décidé de partir, mais on voit que des tensions au sein de l’administration présidentielle l’ont conduite à partir. Le nom qui revient assez souvent est celui de son proche collaborateur, qui n’a pas de statut officiel, et qui n’est pas parvenu à avoir de statut officiel, sans doute à cause de la chancelière. C’est un problème très lourd dans la capacité d’agir de la présidence. »
Vous parlez ici bien sûr de l’ancien diplomate Petr Kolář, qui est depuis le début à l’initiative de la campagne de Petr Pavel et qui est sous le feu des critiques notamment en raison de potentiels conflits d’intérêts. Il est entre autres critiqué pour l’organisation de la visite de Petr Pavel de l’usine aux États-Unis de la société Colt, dont il est membre du conseil d’administration.
« Absolument. C’est une personnalité présente depuis longtemps dans les coulisses de la politique tchèque et qui a joué un rôle important dans la campagne présidentielle. Il faut par ailleurs savoir que Colt appartient à une société d’origine tchèque et qu’il y a en arrière-plan un lobby militaro-industriel qui manifestement joue un rôle assez important. »
Pas de deuxième mandat ?
Un autre point fait tiquer la presse tchèque – souligné notamment par un éditorialiste de Seznam Zprávy : Petr Pavel a répété au moins à deux reprises qu’il ne voudrait pas se représenter. Ses déclarations sont-elles crédibles selon vous ?
« Il l’a dit lui-même et cela a été perçu il y a un an de manière plutôt positive, comme la preuve que le président ne voulait pas le pouvoir pour soi. Mais effectivement depuis plusieurs semaines on entend parler de tentatives pour lui faire changer d’avis et préparer un deuxième mandat. La question reste ouverte. »
L’exemple de la présidente slovaque, qui ne se représente pas, peut-il l’inspirer ?
« Peut-être, mais plus vraisemblablement la question sera plus conjoncturelle, avec les potentiels autres candidats et les différents soutiens. La situation une fois plus claire, la question de sa candidature à un deuxième mandat se posera avec davantage d’acuité. »