Accord de coalition, session inaugurale de la Chambre : transition politique en cours à Prague
Signature de l’accord de coalition entre cinq partis, session inaugurale de la nouvelle Chambre des députés : ce lundi est marqué par des étapes importantes de la transition politique actuellement en cours en Tchéquie, depuis la défaite du parti du Premier ministre sortant Andrej Babiš aux élections législatives le mois dernier. Pour en parler sur notre antenne, le politologue Michel Perottino, professeur à l’Université Charles de Prague :
Est-ce que ce lundi politiquement chargé marque la fin d’une ère en Tchéquie selon vous ?
Michel Perottino : « La fin d’une ère, c’est peut-être un petit peu trop triomphal, disons que c’est la suite logique des événements depuis les élections et cette campagne un peu particulière. »
Dans notre entretien pré-électoral, il était question du fait que le président Zeman aurait peut-être carte blanche pour la suite de ces événements. Finalement sa santé chancelante l’a desservi et il a indiqué qu’il allait nommer Petr Fiala, chef du parti ODS, au poste de Premier ministre.
« Techniquement il a indiqué qu’il allait charger Petr Fiala de former un nouveau gouvernement, ce qui n’est pas la même chose que de signer un document le nommant officiellement au poste de Premier ministre. Par ailleurs, il est clair que l’état de santé de M. Zeman et son absence pendant plusieurs semaines a beaucoup joué en faveur de la coalition en train de se mettre en place, notamment parce qu’il n’a pas pu jouer la carte qu’il avait déjà jouée dans le passé à savoir la nomination d’un gouvernement minoritaire. Il est là au pied du mur et obligé de prendre en considération l’existence d’une coalition majoritaire et surtout le retrait d’Andrej Babis, déjà entré dans l’opposition. »
Le président de la République peut-il encore bloquer la formation du gouvernement ? On parle déjà de postes clés dont celui du chef de la diplomatie…
« Effectivement, et c’est lié à la pratique constitutionnelle que notamment M. Zeman a mise en place depuis qu’il est au pouvoir, le chef de l’Etat peut dans certains cas mettre son veto à certaines personnalités qui ne lui paraissent pas suffisamment légitimes pour diriger certains ministères. Il l’a déjà fait à plusieurs reprises et effectivement on entend ces jours-ci parler notamment du représentant du Parti pirate que Petr Fiala voudrait nommer à la tête du ministère des Affaires étrangères… »
On parle aussi de personnages controversés qui feraient leur entrée dans ce gouvernement, dont l’ancien ministre ODS qui est pressenti au ministère de la Justice…
« Disons que les partis de la coalition sont pour la plupart déjà établis, notamment l’ODS et le KDU-ČSL, et les personnalités qui dominent ces partis ont déjà un cursus ‘chargé’ pour certains d’entre eux, mais on verra quels sont les noms qui vont sortir du chapeau dans les jours à venir. »
Quels sont les traits les plus marquants de cette nouvelle Chambre des députés ? D’abord l’absence de la gauche ?
« Absolument, c’est une nouveauté inédite en République tchèque, avec deux grands partis historiques sortis de la Chambre basse. C’est la principale nouveauté. L’autre aspect marquant est ce résultat concernant les Pirates, laminés par le vote préférentiel (au profit de STAN), ce qui complique un peu la situation au sein de la coalition PirSTAN. »
Un élément anecdotique aussi dans cette nouvelle Chambre avec dans le viseur des caméras la fratrie Okamura – les deux frères, Tomio (chef du parti d’extrême droite SPD) et Hayato (membre du parti chrétien-démocrate KDU-ČSL), ne se sont pas adressés la parole depuis plusieurs années… Peut-on dire quelques mots de la très probable nouvelle présidente de cette Chambre des députés, Markéta Pekarová Adamová (TOP09), qui pourrait se voir attribuer quelques compétences du chef de l’Etat si le processus était enclenché et aboutissait, alors qu’à 37 ans elle ne serait pas assez âgée pour se présenter à l’élection présidentielle ?
« Effectivement, l’âge minimal pour se présenter est de 40 ans, mais c’est plutôt anecdotique… Son élection symbolise surtout l’éviction du parti SPD de la vice-présidence de la Chambre. »
Selon vous, cette coalition majoritaire, qui fait preuve d’une certaine unité depuis les résultats des législatives, pourra-t-elle affronter sereinement la prochaine campagne présidentielle, face au Premier ministre sortant qui semble déjà préparer sa campagne pour cette élection l’année prochaine ?
« Cela va être très compliqué. On a déjà plusieurs noms qui circulent pour les candidatures et plusieurs personnalités qui souhaitent se présenter, avec déjà un fort morcellement de l’électorat qui a soutenu cette double coalition pendant les législatives. On verra quand et si ces cinq partis seront capables de se mettre d’accord sur un nom mais pour l’instant cela paraît relativement difficile. Donc les chances d’Andrej Babiš de passer au premier tour et d’être éventuellement élu sont paradoxalement relativement importantes. »