Un premier bilan de l'élection présidentielle avec le politologue Lukáš Macek

Miloš Zeman, photo: CTK

Retour sur l’élection présidentielle qui s’est achevée la semaine dernière et déroulée pour la première fois au suffrage universel direct, un scrutin qui a vu l’ancien Premier ministre social-démocrate l’emporter assez largement sur son adversaire, le conservateur Karel Schwarzenberg. Peu après la parution des résultats, Radio Prague s’est entretenu avec le politologue Lukáš Macek, qui nous a livré quelles étaient selon lui les enseignements de cette élection.

Miloš Zeman,  photo: CTK
« En ce qui concerne le bilan de cette élection, je retiens plusieurs points. Premièrement, au moment où l’élection directe a été votée, certaines personnes exprimaient la crainte que l’élection tournerait dans une sorte de recherche de la personnalité la plus populaire en dehors des enjeux politiques. Ce que je constate, c’est que ce n’est absolument pas ce qui s’est passé. La maturité politique des citoyens tchèques n’est pas à mettre en cause. Même s’il y a eu quelques éléments ‘fantaisistes’ dans cette élection, fondamentalement les gens ont voté très sérieusement.

Deuxième point : on voit qu’il y a peut-être un problème de difficulté de la scène politique tchèque à générer des personnalités qui ont une stature suffisante pour être des candidats crédibles à l’élection présidentielle. Ce sont tout de même deux vétérans qui se sont affrontés au second tour ce qui en dit quand même beaucoup sur la qualité des politiques ces dix-quinze dernières années.

Photo: Filip Jandourek / ČRo
Et troisièmement, il y a toute une série de sujets comme notamment la question des relations avec l’Allemagne, comme la question de l’interprétation de certains évènements du passé, mais aussi la relation aux Tchèques qui se sont exilés pendant le régime communiste. Il s’agit de toute une série de questions donc qui ont souvent provoqué des débats très vifs dans les années 1990. On aurait pu croire que ces débats étaient dernière nous. Il semblerait que non et il y a un potentiel politique autour de ces sujets. Enfin, il y a un clivage entre un électorat citadin, plutôt jeune, plutôt éduqué et un électorat plus rural avec un niveau de diplôme plus faible. »

Vous avez évoqué le fait que les deux finalistes de cette élection sont des vétérans de la politique. Leur moyenne d’âge est supérieure à 70 ans. Qu’est-ce qui explique le non-renouvellement du personnel politique en République tchèque ?

« C’est sans doute lié à la sociologie des partis politiques. Ce sont de petites structures, souvent assez fermées, où des personnalités fortes et des personnalités qui ont un potentiel d’indépendance ainsi qu’une réputation et une renommée auprès de la population, sont assez vite marginalisées voire n’arrivent pas du tout à percer. Ensuite, comme les élections les plus importantes sont des scrutins de liste où le facteur personnalité joue moins, les partis s’en sortent très bien mais c’est aussi un des éléments qui explique la crise de la politique tchèque. »

Karel Schwarzenberg,  photo: Filip Jandourek / ČRo
N’aurait-il pas fallu accorder plus de pouvoir au chef de l’Etat qui dispose désormais de la légitimité du peuple ?

« La façon dont on a changé la constitution, en touchant uniquement le mode de scrutin et pas du tout la place du président de la République, son poids dans le système institutionnel etc.. m’apparaît être une grave erreur et on risque de la payer dans les années qui viennent. Est-ce que cela nous amènera à changer la constitution ? On verra bien mais toujours est-il qu’il y a là clairement une incohérence entre le fort mandat que reçoit le président de la République dans cette élection directe et son rôle essentiellement protocolaire dans la constitution tchèque. Ceci dit, la République tchèque n’est pas le seul pays à connaître ce genre de déséquilibre. »

Lukáš Macek, vous êtes un spécialiste de la question européenne. On a eu l’impression que les médias occidentaux et notamment français ont évoqué cette élection uniquement sous le prisme de l’europhilie supposée des deux candidats, par contraste avec les positions tranchées de l’actuel chef de l’Etat Václav Klaus, très opposé à la construction européenne. Pourtant l’Europe n’a pas été un sujet majeur de cette élection…

Václav Klaus,  photo: Petr Novák,  Creative Commons 2.5
« Non et dans la mesure où elle l’a été, elle l’a été d’une manière assez contradictoire. Il y a des points sur lesquels Karel Schwarzenberg est apparu peut-être plus europhile que Milos Zeman et vice-versa. Effectivement ce n’était pas du tout l’enjeu mais en même temps c’est quelque part une bonne nouvelle car la question européenne a été tranchée dès le premier tour. Les deux candidats qui clairement étaient sur des positions eurosceptiques proches voire identiques à celles de Vaclav Klaus, ces deux candidats (Přemysl Sobotka et Jana Bobošíková, ndlr) ont été sortis dès le premier tour avec un score cumulé de 5 ou 6%. »