Volt, le parti politique qui réinvente les règles du jeu européen en Tchéquie aussi
En 2017, juste après l’annonce du Brexit, trois jeunes Européens en Erasmus créaient Volt, une organisation politique profondément europhile. Sept ans plus tard, Volt Europa est devenu un parti politique transnational, qui dispose d’antennes dans une trentaine de pays du continent, y compris en Tchéquie.
À quelques mois des élections européennes, le parti fait campagne dans douze pays pour tenter d’obtenir quelques sièges au Parlement, où il est déjà représenté à travers la figure de l’Allemand Damian Boeselager.
Slavomír Maňásek, lui, est l’ancien coordinateur politique de Volt Tchéquie et membre du bureau Volt Europa depuis cinq mois. À l’image de Volt, il est jeune, dynamique et surtout très européen. Né en Tchéquie, Slavomír Maňásek, que RPI a rencontré, est vite parti poursuivre sa scolarité en France, d’abord au lycée Carnot de Dijon, avant d’enchaîner avec des études de droit, d’histoire et de relations internationales à la Sorbonne.
Pour sa part, Volt Europa n’est une organisation ni française ni tchèque, mais belge si l’on se réfère à son statut juridique. Enfin, si vous demandez à Slavomír, celui-ci vous dira que Volt possède toutes les nationalités de la trentaine de partis politiques et associations qu’elle rassemble, car c’est avant tout son européanité qui est inscrite dans l’ADN de Volt.
Contrairement à la plupart des partis européens traditionnels, Volt Europa n’est pas une fédération de partis nationaux, mais un parti transnational. En d’autres termes, Volt Europa adopte une lecture paneuropéenne des enjeux actuels là où la plupart des partis qui présentent une liste de candidats aux élections européennes retranscrivent à l’échelle européenne essentiellement des propositions et des visions nationales, quand ils ne se concentrent pas uniquement sur des enjeux intérieurs. Slavomír Maňásek :
« Il y a plusieurs idées derrière ça. La première est de connecter les peuples à travers l’Europe, les gens qui souhaitent davantage d’intégration. La deuxième est de montrer que bien que nous ayons souvent les mêmes défis et les mêmes problèmes socio-économiques au sein de l’Europe, nous les présentons comme des problèmes nationaux, et ce, bien que le plus souvent l’échelle nationale ne soit pas la plus adaptée pour y faire face. Par conséquent, l’ambition de Volt est de montrer qu’il faut plus de coopération européenne pour trouver des solutions. »
Cette ambition paneuropéenne reste néanmoins limitée par le fonctionnement institutionnel de l’UE, puisque le Conseil de l’Union s’est opposé, en juin 2023, à l’instauration de listes transnationales pour les élections européennes. C’est précisément pour contourner cette interdiction que les organisations politiques paneuropéennes comme Volt enregistrent le même parti dans plusieurs pays de l’UE tout en proposant un programme unique.
Une ambition fédérale pour l’UE
La proposition phare de Volt, et peut-être aussi la plus ambitieuse, vise à transformer l’UE en une entité fédérale. Une proposition que certains pourraient qualifier de lunaire… À raison d’ailleurs, comme le concède Slavomír Maňásek, puisque le document Moonshot qui établit le programme de Volt est directement inspiré des missions spatiales :
« À travers ce nom nous disons que s’il a fallu quinze ans pour envoyer l’homme sur la Lune, il en faudra autant pour construire cette Europe fédérale. Le programme repose sur une dizaine d’actes politiques qui visent à nous rapprocher de cet objectif. Parmi ces idées il y d’abord une réforme des institutions : donner l’initiative législative au Parlement et transformer la Commission européenne en un gouvernement européen. Ensuite, il y a la volonté d’établir une défense commune qui pourrait mener à une armée européenne, puis des idées relativement ambitieuses concernant l’environnement, ou une politique migratoire juste et humaine. Nous souhaitons aussi œuvrer pour un renforcement démocratique de l’Europe. »
Loin de l’origine de son nom, la proposition d’union fédérale de Volt part du constat que l’élargissement de l’Europe à plus ou moins long terme apparaît inévitable, ce qu’illustrent les aspirations de la Moldavie, de l’Ukraine ou des pays des Balkans, une extension qui ne sera toutefois possible qu’en réformant en profondeur les institutions. Conscient aussi des dissensions qui existent déjà entre les États membres, et qui conduisent parfois à une forme d’inertie ou de lenteur des institutions, Volt milite pour mettre fin au droit de veto :
« Nous trouvons que le veto empêche le progrès dans l’UE, nous voulons donc l’abolir et passer à la majorité qualifiée dans tous les votes du Conseil européen et du Conseil de l’UE. Cela permettrait d’éviter les situations comme celle dont nous avons été témoins avec la Hongrie, qui a utilisé son droit de veto non pas pour défendre ses intérêts nationaux mais pour négocier plus d’argent. Le droit de veto a perdu son sens initial lorsqu’il a été pensé par les pères fondateurs de l’Europe. »
Une Europe de la défense
Le veto hongrois au programme d’aide financière à l’Ukraine a mis en lumière l’incapacité de l’UE à agir rapidement et efficacement sur le plan militaire, faute d’une véritable politique de défense commune. Au diapason des dernières annonces faites en faveur d’une Europe de la défense lors de la conférence de Munich sur la sécurité, Volt plaide pour une politique ambitieuse sur le sujet. Le parti souhaite la création d’une armée autonome qui serait complémentaire de l’OTAN, une « nécessité au vu de la situation géopolitique actuelle » selon Slavomír Maňásek :
« Notre idée est de créer une défense autonome dans l’hypothèse d’une réélection de Donald Trump si celui-ci venait à décider de ne plus honorer les engagements des États-Unis vis-à-vis de l’OTAN. Nous pensons qu’il est aussi dans l’intérêt des États-Unis d’avoir une armée assez puissante aux côtés de l’armée américaine, afin de faciliter la coordination militaire. »
Volt Tchéquie, l’antenne nationale de Volt Europa
À l’échelle tchèque, Volt Tchéquie a d’abord existé sous le statut d’association entre 2019 et 2022 avant de devenir un véritable parti politique. Plus encore qu’ailleurs, le public et les adhérents du parti sont très majoritairement composés de jeunes. Une caractéristique que Slavomír Maňásek explique par la plus grande sensibilité aux questions européennes de cette catégorie de la population dans les pays d’Europe centrale et orientale. Le programme, qui garde une base commune avec celui de Volt Europa mais porte également des propositions nationales, est d’ailleurs résolument progressiste :
« Le premier objectif est de promouvoir l’intégration et la coopération européenne, et de pousser à l’adoption de l’euro. Nous aimerions aussi nous concentrer sur les régions tchèques où le sentiment d’être oublié par l’Europe est assez fort et où le vote est assez nationaliste. Nous voudrions aussi que le mariage pour tous soit adopté et traiter de la question de la représentation des femmes en politique. Ce que nous voulons vraiment, finalement, c’est enrichir la culture politique tchèque avec des enseignements venus d’autres pays. »
Pour les élections européennes, Volt Europa se présentera dans une douzaine de pays, dont la France et la Tchéquie. Volt Tchéquie a mis sur pied une liste de candidats commune avec Senator 21, un mouvement présent au Sénat et dans certains conseils municipaux. Un mariage de raison afin de « trouver une dynamique intéressante entre les sénateurs, qui ont plus de maturité politique, et un nouveau parti dynamique plutôt jeune qui se professionnalise ». Au niveau national, le parti espère pouvoir se présenter aux élections régionales et sénatoriales, qui se tiendront à l’automne, ainsi qu’aux élections législatives en 2025.