« Zabijačka » - Tout est bon dans le cochon
Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague ! A tort, beaucoup de Tchèques pensent que « tuer le cochon » - est une spécialité tchèque. En réalité, la « zabijačka », le mot qui en tchèque désigne ce que l’on appelle en français le « tue-cochon » ou encore la « tuaille du cochon », est une coutume – le plus souvent familiale et festive - que l’on retrouve dans bien d’autres campagnes européennes, le plus souvent l’hiver. Là où les Tchèques n’ont pas tort en revanche, c’est que cette tradition des « zabijačky » (au pluriel, donc) reste aujourd’hui encore bien ancrée dans leur culture populaire et continue d’appartenir – que cela plaise ou non – à une certaine forme d’art de vivre. Ainsi, le ministère de l’Agriculture estime à 100 000 leur nombre chaque année un peu partout dans le pays. Autant d’occasions pour les Tchèques de se régaler… C’est donc à toutes les cochonnailles et autres spécialités locales qui sont préparées lors de ces « zabijačky » que nous allons nous intéresser pour cette fois !
C’est bien connu, tout est bon dans le cochon - „Dobré prase všechno spase“ ! Tout est tellement bon que l’animal, dont rien ne se perd, tient une place considérable dans la gastronomie tchèque. Que ce soit dans sa forme fraîche ou élaborée, c’est-à-dire sous forme de produits de charcuterie, le porc – vepř - est - et de très loin - la viande la plus consommée en République tchèque. Cela est également le cas ailleurs en Europe et dans beaucoup d’autres pays dans le monde, mais tandis que les Français n’en mangent en moyenne qu’entre 30 et 35 kilos par an et par personne, les Tchèques, eux, en ont consommé un peu plus de 42 kilos en 2016, selon l’Office national des statistiques. Autrement dit, lorsque les Tchèques mangent de la viande – dont la consommation moyenne totale s’élève à quelque 80 kilos par an et par personne -, c’est du porc qui, une fois sur deux, se trouve dans leur assiette…
Pour nombre d’entre eux, il s’agit d’une consommation qu’ils doivent à leur propre production. En effet, une « zabijačka » consiste – ou consistait à l’origine - à abattre le cochon qui a été élevé à la ferme ou « à la maison », bref par ses propres moyens. Boucher en Moravie, dans la région de Zlín, Pavel précise que c’est là une pratique qui coïncide avec les mois les plus froids de l’hiver, entre autres raisons parce que c’est une raison propice au travail de la viande en plein air, mais pas seulement :« Historiquement, les cochons sont le plus souvent tués durant le temps de l’Avent, soit donc pendant la période qui précède Noël, ou alors après le Nouvel an. Janvier et février sont les mois les plus fréquents. C’est aussi le meilleur moment avant le début du Carême et le jeûne de quarante jours qui précède Pâques. »
Le mot « zabijačka » tient sa racine du verbe « zabít » - « tuer ». Rien donc ici de très original. Attention toutefois, l’abattage est l’œuvre non pas d’un « zabiják », mot qui désigne un meurtrier, un assassin – mais bien d’un boucher – « řezník », soit traduit littéralement « celui qui coupe, tranche, découpe la viande » - soit « řezat maso ».
Mais le boucher s’occupe aussi de préparer les diverses spécialités qui accompagnent cette « joyeuse tuerie » - « zabijačkové hody », cette « fête du cochon » dans le sens propre comme figuré puisqu’il s’agit bien en quelque sorte de « faire sa fête au cochon », ou si vous préférez – et l’expression est sans doute mieux adaptée au contexte - de lui « faire la peau », et là aussi au sens propre puisqu’une des étapes d’une « zabijačka » consiste, une fois le cochon tué et saigné, à enlever sa soie.
Saucisses, pâtés, graisse, soupe… Les spécialités - « zabijačkové speciality » - sont au nombre de cinq. La première est la « jitrnice » ou « jaternice », un mot à relier au substantif« játra », qui désigne le foie. Il s’agit ni plus ni moins d’une sorte d’andouille à base de viande, de pain blanc et de différents condiments. Vient ensuite le « jelito », l’équivalent du boudin noir avec sa couleur sombre en raison de l’utilisation du sang de la bête que complète notamment de l’orge ou de petits morceaux de pain. « Ovar » est un autre mot typique, qui découle du verbe « uvařit » - « faire cuire ». Il s’agit donc là d’un mélange de viande bouillie généralement tirée de la tête - hlava, du jarret – koleno - et de la langue – jazyk, le tout accompagné de raifort râpé - nastrouhaný křen, condiment fortifiant que l’on trouve assez régulièrement dans les assiettes tchèques. Ne pas oublier non plus bien évidemment la « tlačenka », tiré du verbe « tlačit », qui signifie « presser, pousser ». Une fois cela dit, vous aurez sans doute deviné qu’il s’agit là de ce que l’on appelle en français le fromage de tête, aussi parfois désigné comme « tête pressée ». Ce fromage est constitué des parties charnues de la tête (joue, langue…) et des jambettes, le tout bien assaisonné. Enfin, retenons encore ce très joli (curieux) mot de « prdelačka », difficilement traduisible en français. C'est bien là une spécialité tchèque, dont le rapport avec le mot « prdel » - cul – est moins évident que l’on pourrait le supposer. En effet, il s’agit du bouillon tiré de la viande cuite auquel on ajoute du sang, de l’orge et des condiments… Et si cette soupe s’appelle ainsi, c’est peut-être – on dit bien peut-être – parce qu’on y cuit la petite queue du cochon...Bref, vous l'aurez compris, tout est bon dans le cochon, et il ne nous reste plus qu’à vous souhaiter un bon appétit – dobrou chuť, n’oubliez pas le(s) petit(s) verre(s) de slivovice pour arroser et faire passer tout cela, et la vie n’en sera que plus belle… Portez-vous donc du mieux possible - mějte se co nejlíp !, portez le soleil en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj !