Après le ministre de la Santé, le chef de la diplomatie lui aussi remercié
La République tchèque aura prochainement un nouveau chef de la diplomatie. Partisan d’une politique proeuropéenne et très méfiant à l’égard de la Russie, Tomáš Petříček, en poste depuis 2018, va être révoqué de ses fonctions de ministre des Affaires étrangères. Une décision qui fait suite à la réélection du vice-Premier ministre Jan Hamáček à la tête d’un parti social-démocrate bien mal en point à six mois des élections législatives.
Nomination d’un nouveau ministre de la Santé - le quatrième en un peu plus de six mois – en début de semaine dernière, alors que l’idée d’adopter le vaccin russe Spoutnik V n’a pas été abandonnée. Nouveau ministre des Affaires étrangères pour le début de cette semaine - et par le jeu des chaises musicales nouveau ministre aussi de la Culture. Ministre de l’Education qui, lui, a échappé d’un cheveu à la potence, alors qu’une partie des écoles ont enfin rouvert leurs portes ce lundi.
Ou encore des communistes qui menacent plus sérieusement que jamais de ne plus soutenir la coalition gouvernementale minoritaire composée du mouvement ANO d’Andrej Babiš et d’un parti social-démocrate (ČSSD) qui est sorti un peu plus affaibli encore de son congrès, qui s’est tenu en ligne vendredi et samedi. A six mois maintenant des élections législatives, prévues les 8 et 9 octobre, la scène politique tchèque vit des heures pour le moins agitées, proposant même « un spectacle affligeant » selon certains commentateurs.
Ce lundi, lors d’une conférence de presse donnée en fin de matinée, Tomáš Petříček (39 ans) a confirmé qu’il quittait ses fonctions de chef de la diplomatie. En poste depuis deux ans et demi, Tomáš Petříček, dont le président prorusse Miloš Zeman avait tout fait pour s’opposer à la nomination, a expliqué que son départ était devenu inéluctable après un congrès de la social-démocratie où il s’était porté candidat à la succession de Jan Hamáček à la direction :
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« Il a souvent été question de ma révocation par le passé sans que rien ne se passe. Mais aujourd’hui, je peux confirmer ces spéculations. Jan Hamáček m’a fait part de sa décision hier (dimanche). Il n’a formulé aucune critique quant à mon travail à la tête du ministère, je considère donc qu’il s’agit avant tout d’une décision politique qu’il me faut respecter. Je comprends la volonté de la nouvelle direction du parti social-démocrate de procéder de la sorte. Le Premier ministre et le président de la République n’auront aucune raison de refuser ma révocation. Tout le monde sait combien je dérange le président Zeman et mes positions récentes quant à la centrale nucléaire de Dukovany ou à la vaccination (et au vaccin Spoutnik V), où j’ai toujours dit que la sécurité et la santé des Tchèques devaient être la priorité absolue, ont encore confirmé cette divergence de vues. Je suppose également que nous n’aurions pas été d’accord avec le président sur d’autres questions de politique internationale comme par exemple la menace qui pèse sur l’Ukraine. Je quitte mes fonctions la tête haute avec la conviction d’avoir toujours œuvré en faveur d’une politique proeuropéenne et prooccidentale dans la continuité et le respect des valeurs de la politique étrangère menée par notre pays depuis la révolution de velours. »
Tomáš Petříček pourrait être remplacé par Lubomír Zaorálek, qui a déjà occupé les fonctions de ministre des Affaires étrangères pendant près de quatre ans dans le précédent gouvernement (janvier 2014 - décembre 2017). Lui aussi social-démocrate, Lubomír Zaorálek fait actuellement usage de ses talents de diplomate à la tête du ministère d’une culture ravagée par la crise du coronavirus.
Pour beaucoup d’observateurs de la scène politique tchèque, le ČSSD se tire une nouvelle balle dans le pied en agissant de la sorte. Avant sa réélection, vendredi dernier, à la tête de ce qui reste la principale formation de gauche en République tchèque, Jan Hamáček, à la fois ministre de l’Intérieur et vice-Premier ministre, a d’ailleurs été la cible de vives critiques lors de la première journée du congrès du parti.
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La participation bancale de la social-démocratie à l’action du gouvernement dans l’ombre du mouvement ANO, son caractère trop souvent béni oui-oui aux côtés de l’omnipotent Premier ministre Andrej Babiš ou encore les résultats très décevants obtenus lors des différentes élections ces dernières années ont notamment été reprochés à Jan Hamáček.
Mais alors que le ČSSD, si l’on s’en tient aux sondages, pourrait réaliser un score insuffisant lors des prochaines législatives pour être représenté à la Chambre des députés, Jan Hamáček affirme rester confiant :
« La social-démocratie, ce n’est un secret pour personne, bénéficie actuellement d’environ 5% d’intentions de vote. Nous savons quelle conséquence aurait pour nous un tel résultat aux élections, mais nous avons encore six mois devant nous pour inverser la tendance et convaincre les gens du bien-fondé de notre programme. Je suis convaincu que la social-démocratie est un parti qui a encore son mot à dire dans le débat politique dans ce pays. La priorité est de réfléchir à ce que sera la République tchèque une fois que nous aurons vaincu le coronavirus. On nous reproche notre coopération au gouvernement avec le mouvement ANO, mais le fait que nous travaillions ensemble aujourd’hui ne signifie pas que ce sera toujours le cas. Le plus important dans l’immédiat est de sortir la République tchèque de la crise et de régler les problèmes qui font souffrir les gens. »
Reste à savoir si c’est avec un parti lui-même en crise à sa tête que la République tchèque pourra justement régler ses problèmes.