« Becoming Czech » : l’art pour dialoguer sur l’identité
Artiste bulgare, Lora Krasteva veut offrir à des artistes étrangers en République tchèque un espace de réflexion sur les notions d’Etat-nation et d’identité nationale. Elle présente le projet « Becoming Czech », un travail artistique collectif qui aboutira à une présentation publique à Brno en mars 2022.
Lora Krasteva, bonjour ! Vous êtes responsable du projet artistique « Becoming Czech ». Ce qui m’a incitée à vous contacter, c’est une petite annonce : « Le projet ‘Becoming Czech’ est à la recherche d’artistes de première génération de migrants en République tchèque. Inscriptions jusqu’au 31 janvier 2022. » Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste ce projet artistique ?
« ‘Becoming Czech’ est un projet artistique dont l’idée est née en Angleterre. Je suis une artiste et productrice de théâtre bulgare résidant en Angleterre, et il y a quelques mois, j’ai commencé le projet « Becoming British », qui offre une plateforme aux artistes et aux gens du théâtre s’intéressant aux notions d’Etat-nation et d’identité nationale, afin d’amplifier les perspectives et les voix des immigrants comme moi-même. A ces fins, nous avons bénéficié du soutien exceptionnel de Perform Europe, une plateforme européenne pour les projets artistiques. Et nous avons ensuite établi des liens avec [la plateforme d’arts performatifs] Terén, basée à Brno, qui était très intéressé par ce projet un peu différent. »
« En effet, nous sommes à la recherche d’artiste immigrants en République tchèque et intéressés par ces thèmes, pour pouvoir créer ensemble, en mars, une exposition comprenant des éléments de performances, pour ouvrir un espace de discussion à propos de l’identité commune. De ce qui nous fait être tchèque – ou pas. De ce qui nous fait sentir nos identités nationales – ou pas. Et d’utiliser l’art comme moyen de dialogue et de conversation entre les communautés. »
Pourquoi la République tchèque, et pourquoi Brno ?
« Les mouvements migratoires et la construction des identités dans l’ancien Bloc de l’Est s’est faite de façon très différente par rapport à l’Angleterre, la France ou d’autres pays au passé impérial. »
« Le lien avec Brno tient au fait que notre partenaire, Terén, y est basé. Cette plateforme d’arts performatifs s’intéresse à des projets différents des pièces de théâtre traditionnelles. Nous avons donc un lien en termes d’affinités artistiques. Par ailleurs, ils disposent d’une ouverture d’esprit suffisamment importante pour parler de thèmes larges et complexes tel que celui des identités. »
« Pour moi, d’un point de vue individuel, il me semble très intéressant de travailler sur ces notions justement en République tchèque. Les mouvements migratoires et la façon dont les identités se sont formées dans certains pays de l’ancien Bloc de l’Est sont très différents de la situation en Angleterre, en France ou dans d’autres pays ayant un passé d’Empire ou de relations très différentes avec d’autres pays dans le monde entier. »
« Pourquoi Brno ? Parce que c’est là que notre partenaire se trouve, mais aussi parce que c’est intéressant de concevoir ces idées d’identités et d’Etats-nations en-dehors des capitales. Et de se demander quelles sont les dynamiques différentes – ou pas – sur ce territoire. »
Et donc d’envisager une vision moins centralisée de la culture – et de la migration… Vous êtes donc actuellement à la recherche de trois artistes, tous domaines artistiques confondus. Les personnes intéressées peuvent se manifester jusqu’au 31 janvier par un formulaire en ligne (https://jasuteren.cz/en/archiv/becoming-czech). Une fois les artistes sélectionnés, comment va se dérouler concrètement le projet ? Quand les fruits de votre travail artistique collectif seront-ils présentés au public ?
« Je travaille d’une façon co-créative, c’est-à-dire qu’après avoir sélectionné les trois artistes, nous entrerons en conversation pour voir comment les idées fonctionnent ensemble et réfléchir au projet final que nous pourrons offrir au public de Brno, lors d’une présentation publique qui aura lieu les 21 et 22 mars. Cette présentation pourrait prendre la forme d’une exposition, mais aussi d’une performance, avec également un moment de conversation, de questions et d’échange avec le public sur ces deux jours. »
« Je suis actuellement dans un processus de recherche, et je serai à Brno à partir de fin février-début mars, dans le cadre d’une résidence, pour pouvoir collaborer en direct avec les artistes. »
Quelles seront les langues de travail de ce projet artistique ?
« La ou les langues de travail dépendront des artistes sélectionnés, ainsi que des communautés que nous souhaiterons mettre en valeur. Les minorités en République tchèque sont très nombreuses ; il y a beaucoup de migrants de différents pays et de différentes cultures. Il me semble très important de mettre en valeur leurs langues à travers ce projet. Ainsi que leurs cultures. Il serait également très intéressant de pouvoir faire figurer la langue tchèque, et de réfléchir à la place de cette langue dans l’expérience de vécu de la migration pour ces différentes personnes. »
« Je parle français, anglais, espagnol, bulgare et un peu portugais. Dans mon travail, j’aime travailler sur le multilinguisme et la possibilité de communiquer au-delà de la langue. Nous avons déjà établi certains liens avec des artistes de la danse, de la peinture ou de l’audiovisuel. Tous sont invités, et je pense que tout le monde trouvera une connexion et une réflexion sur les thèmes abordés. »