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1) Les miracles de l’Enfant Jésus de Prague

L’Enfant Jésus de Prague, photo: Ondřej Tomšů
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Tout comme les autres villes historiques européennes, Prague vit une saison estivale très particulière : sans tourisme de masse. Pour tous ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas se déplacer dans la capitale tchèque, en cette période post-confinement, Radio Prague International a préparé une série de reportages qui permettent de (re)découvrir quelques-uns des hauts lieux touristiques de Prague, ainsi que des histoires et légendes qui s’y rattachent. Premier arrêt du parcours : l’Eglise Notre-Dame-de-la-Victoire (Kostel Panny Marie Vítězné) qui abrite la célèbre statuette de l’Enfant Jésus de Prague.

« Pour secouer un peu ma clôture hivernale, j’ai fait un court voyage à Prague ce printemps (…). J’ai rendu visite à l’adorable Enfant Jésus dans sa jolie église baroque, toute recueillie à l’ombre des marronniers roses. Vêtu de rouge éclatant il avait l’air d’un grand coquelicot dans sa moisson de cierges. Je lui ai recommandé ta petite famille »,

a écrit la poétesse française Suzanne Renaud à sa nièce, en mai 1952, depuis sa demeure de Petrkov, dans les Hauteurs tchéco-moraves, où elle vivait avec son mari tchèque Bohuslav Reynek.

Illustration de Magali Robert,  source: repro Suzanne Renaud,  "Lettres à Suzon / Dopisy Suzon / Romarin

L’église où repose la petite statue de cire de 47 centimètres de haut, devenue symbole de la capitale tchèque dans le monde,  se trouve au cœur de Prague et pourtant, elle n’est pas facile à trouver, comme l’explique la guide Šárka Gandalovičová :

« Les touristes étrangers qui cherchent la statuette miraculeuse de l’Enfant Jésus reçoivent souvent des informations ambigües de la part des Pragois. Lorsqu’ils veulent se rendre à l’Eglise Notre-Dame-de-la-Victoire, les habitants de la capitale, pas très croyants et pratiquants, leur indiquent souvent une autre église du même nom, toute petite, qui se trouve sur le lieu de pèlerinage de Bílá hora, au terminus du tram 22, là où s’est déroulée, en 1620, la fameuse bataille de la Montagne Blanche qui a marqué la victoire de la Ligue catholique sur la confédération des Etats protestants. »

L’église Notre-Dame-de-la-Victoire,  photo: Ondřej Tomšů

L’histoire de l’Enfant Jésus de Prague et celle de l’Eglise Notre-Dame-de-la-Victoire qui l’abrite, située quant elle, dans le quartier de Malá Strana, au pied du Château de Prague, sont aussi, liées à cette bataille qui représente un changement politique majeur pour les pays tchèques à l’époque : dans le cadre de la recatholicisation du pays, l’église qui appartenait aux Luthériens allemands est donnée à la disposition des Carmes déchaussés. C’est en 1628 que les Pères Carmes reçoivent de la part de l’aristocrate Polyxène de Lobkowicz un précieux objet de culte : une statuette de l’Enfant Jésus…

« Je ne sais pas s’il est correct d’appeler la statuette l’Enfant Jésus de Prague, car elle vient d’Espagne, où elle a été créée vers la moitié du XVIe siècle. Elle est arrivée à Prague grâce au mariage d’une dame de la noblesse espagnole, Maria Manrique de Lara, avec le comte tchèque Vratislav de Pernštejn. Ensuite, cette dame l’a donnée en tant que dot à une de ses filles, Polyxène de Lobkowicz. Elle fréquentait l’église de Malá Strana et priait la Vierge Marie pour avoir un enfant. Lorsque son vœu a été exaucé, elle a fait don de la statuette de l’Enfant Jésus aux Pères Carmes. »

L’Enfant Jésus de Prague,  photo: VitVit,  CC BY-SA 4.0

Disparue puis retrouvée

Des touristes du monde entier, notamment espagnols et italiens, ainsi que des Tchèques, sont toujours très nombreux à venir se recueillir au pied de la statue, placée dans une magnifique châsse de vermeil, à droite de l’entrée de l’église. Plusieurs légendes sont liées à cet objet considéré comme miraculeux :

L’Enfant Jésus de Prague,  photo: Archives de PragJesu/Martin Špelda

« Une de ces légendes raconte que la statue a été créée par un moine en Espagne qui l’a taillée en bois et couverte de cire, d’après le visage du petit Jésus qui lui est apparu dans une vision. En pays tchèques, la statue a, paraît-il, produit des miracles pendant la Guerre des Trente ans, lorsque Prague a été attaquée par les Saxons protestants et, à la fin de la guerre, par les Suédois. Pendant ce conflit, l’Eglise Notre-Dame-de-la-Victoire a été pillée et la statuette de l’Enfant Jésus a été perdue. Un religieux l’a ensuite retrouvée parmi des objets jetés. Mais elle a été abîmée, elle a perdu les mains. Il paraît que le moine a prié devant la statue : celle-ci lui aurait promis de continuer à protéger Prague et les Pères Carmes si on la réparait. »

Une autre disparition mystérieuse de la statuette du Pražské Jezulátko, comme on appelle en tchèque l’Enfant Jésus de Prague, date de l’époque communiste. Pavel Pola, prieur du couvent des Carmes de Prague, raconte :

Pavel Pola,  photo: Enrique Molina

« On me demande souvent si la statue exposée dans notre église est un original ou une copie. Si vous pouviez la voir de près, vous n’auriez aucun doute : c’est un original, une statuette très ancienne et maintes fois rénovée. Sous le régime communiste, quelqu’un l’a dérobée. On n’a jamais su qui c’était. Selon certains, on voulait la vendre à l’étranger. Heureusement, elle a été retrouvée en quelques jours du côté de la colline de Petřín, à Prague. »

Rendez-vous chez l’Enfant Jésus

Photo: Ondřej Tomšů

Pour remercier l’Enfant Jésus de Prague, exprimer leur gratitude pour le soutien qu’il leur a apporté et les miracles qu’il aurait accompli, les gens ordinaires ainsi que des personnalités connues lui ont cousu une centaine de robes : certaines sont toujours utilisées, d’autres, comme celle cousue et brodée par l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche, sont exposées dans un musée dédié à l’Enfant Jésus et situé dans l’enceinte de l’église.

Expulsés de leur église de Malá Strana à la fin du XVIIIe siècle, les Pères Carmes n’y sont revenus qu’en 1993. La première communauté qui a commencé à rénover l’Eglise Notre-Dame-de-la-Victoire après la révolution de Velours était italienne. Au fil des années, elle est devenue internationale : actuellement, elle est composée de frères tchèques, indiens et italiens. Grâce à eux, l’église et le couvent sont devenus un lieu de rencontre recherché des fidèles tchèques et étrangers, un lieu où sont organisés des exercices spirituels, débats, expositions et spectacles, comme nous le raconte le père Pavel Pola :

« Nous voulons que les gens puissent se rencontrer ici, échanger, qu’ils puissent  vivre chez nous une certaine expérience spirituelle, inédite, une sorte de renouveau…  (…) Pour beaucoup de fidèles, l’Enfant Jésus représente un Dieu dont il ne faut pas avoir peur, ce n’est pas un Dieu tout-puissant qui juge et punit. Ici, ils découvrent un autre Dieu, discret, fragile, avec lequel on noue une relation particulière, comme avec un enfant. »

https://www.pragjesu.cz/en/

La série Histoires de Prague a été réalisée en collaboration avec l’historienne de l’art Šárka Gandalovičová, directrice de l’agence Czech Art Tours & Consulting (http://www.czech-art-tours.cz/).

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