Ivan Hašek : « Sur un match, la République tchèque peut battre tout le monde »

Tchéquie - Albanie

Quatre jours après une large et inquiétante défaite concédée en Italie (0-4), l’équipe de République tchèque de fooball a péniblement battu l’Albanie (3-1), mardi soir à Prague, lors de son dernier match de préparation à la phase finale de l’Euro. Si ce succès n'a pas rassuré les supporters de la Reprezentace, Ivan Hašek, lui-même ancien sélectionnneur et entraîneur de Strasborug et de Saint-Etienne, reste néanmoins raisonnablement optimiste avant l’entrée dans la compétition contre l’Ecosse à Glasgow, lundi prochain, comme il l’a confié à Radio Prague International.

Ivan Hašek, quelle impression vous a laissée la défaite en Italie ?

Ivan Hašek | Photo: Tomáš Adamec,  ČRo

« On peut dire que c’est un match durant lequel rien n’a fonctionné. On est passés complètement à travers, mais il vaut mieux que cela arrive maintenant que pendant l’Euro. Tout le monde a bien vu que l’Italie nous a été très supérieure dans tous les domaines du jeu. Mais les matchs au championnat d'Europe seront différents, ils se joueront dans un autre contexte. Ce ne seront pas les mêmes adversaires, ce seront des styles et des tactiques différents. Le fait d’avoir perdu de quatre buts contre l’Italie ne veut donc pas forcément dire grand-chose, et, c’est vrai, je reste optimiste. Je suis supporter et je suis convaincu qu’il y a du potentiel dans cette équipe. »

Néanmoins, a-t-on vu, vendredi, les limites de cette sélection tchèque ?

« Du gardien aux attaquants, on était limités dans toutes les lignes... C’est un match dont il n’y a rien de positif à retirer. Mais cela ne doit pas faire oublier que cette équipe a aussi montré de bonnes choses pendant les qualifications. On a quand même battu l’Angleterre à Prague. Donc, pourquoi ne pas faire un bel Euro ? Il faudra pour cela un facteur chance, qu’il n’y ait plus de blessés par exemple. Il faut que la défense s’améliore. Tout le monde en parle, parce que c’est une évidence. Mais ce n’est pas seulement l’affaire des défenseurs. Tout le monde doit en faire beaucoup plus dans ce domaine. Parce que là, c’était vraiment nul. »

Italie  - Tchéquie | Photo: Antonio Calanni,  ČTK/AP

La défense centrale, souvent dépassée lors de certains matchs, apparaît quand même comme la principale faiblesse depuis quelque temps déjà. La défaite contre l’Italie a rappelé la débâcle (0-5) concédée un peu de la même manière contre l’Angleterre à Wembley lors des qualifications...

« C’est vrai, ce sont les deux postes qui suscitent le plus de débats. Les défenseurs centraux (que ce soit Ondřej Čelůstka du Sparta et Jakub Brabec de Plzeň, ou David Zima du Slavia en deuxième mi-temps) n’ont pas été bons, mais citez-moi un joueur qui a fait un bon match contre l’Italie. D’accord, on critique les stoppeurs, mais on peut mettre tout le monde dans le même sac. Ce dont je suis sûr, c’est qu’il faut au moins un stoppeur rapide, que ce soit Zima ou Tomáš Kalas (Bristol City), qui évoluerait à côté de Čelůstka ou de Brabec. Après, c’est à l’entraîneur qu’il appartient de choisir l'option qui lui semble être la meilleure, en fonction de l'état de forme du moment des joueurs. »

Avec quelles ambitions la République tchèque peut-elle aborder ce championnat d’Europe ? Beaucoup la considéraient comme une possible équipe suprise.

« C’est ce que l’on pensait effectivement avant le match contre l’Italie. Certains nous voyaient à l’affût derrière les grands favoris. La défaite nous a fait redescendre de notre petit nuage. Nous sommes désormais davantage dans un costume d’outsider. Même les joueurs avant d’affronter l’Italie ont eu des déclarations selon lesquelles nous allons à l’Euro pour faire un grand résultat. C’est bien d'être ambitieux, mais personnellement, je pense que si on arrive à sortir du groupe et à se qualifier pour les huitièmes de finale, ce sera déjà pas mal. Ce ne sera pas simple contre l’Ecosse et l’Angleterre chez elles et la Croatie, vice-championne du monde en titre, mais nous avons, je pense, des arguments à faire valoir. Si on sort de la phase de groupes, après tout sera possible... »

Italie  - Tchéquie | Photo: Antonio Calanni,  ČTK/AP

Justement, quels sont les points forts de cette équipe ?

« Il y a quelques jeunes joueurs qui ne sont pas mal et des joueurs qui sortent d’une très bonne saison avec le Slavia ou dans leurs clubs à l’étranger. Mais le collectif est notre vrai point fort. Nous avons l’état d’esprit pour jouer l’un pour l’autre. Individuellement, nous sommes peut-être moins bien armés que d’autres sélections, mais ensemble, quand l’ambiance est bonne, nous pouvons faire quelque chose. »

Sous le sélectionneur Jaroslav Šilhavý, la Reprezentace a effectué des progrès notables et pas mal de chemin a été parcouru depuis le dernier Euro en France en 2016, qui avait été très décevant tant en termes de résultats que de jeu produit. Mais son inconstance et son irrégularité restent un peu sa marque de fabrique. C’est une équipe capable du meilleur, comme elle l’a prouvé récemment à Prague contre la Belgique (1-1) en qualifications pour la Coupe du monde, mais aussi du pire comme donc contre l’Italie...

Jaroslav Šilhavý | Photo: Antonio Calanni,  ČTK/AP

« C’est vrai... C’est aussi pour cela que je pense que si nous parvenons à nous qualifier pour les huitièmes de finale, tout sera possible. Sur un match, nous sommes capables de battre à peu près tout le monde. Je veux être positif, et si on franchit un ou deux tours, ce sera très bien ! »

On note trois absences notables, pour différentes raisons, dans le groupe de vingt-six joueurs convoqués par Jaroslav Šilhavý, qui sont d’ailleurs trois joueurs importants du Slavia Prague : le gardien Ondřej Kolář, le défenseur central Ondřej Kudela et le mlieu de terrain Lukás Provod, qui a été élu meilleur joueur de la saison dans le championnat tchèque. Laquelle de ces absences sera la plus néfaste selon vous ?

Ondřej Kúdela | Photo: Tadeáš Bednarz,  Wikimedia Commons,  CC BY-SA 4.0 DEED

« Les trois sont des joueurs-clés. Kolář excelle dans le jeu au pied, c’est de lui que partent la plupart des relances. Kudela, lui, était le premier choix du sélectionneur en défense centrale, il était le plus expérimenté. Quant à Provod, il a explosé cette saison et était prêt à partir dans un grand club à l’étranger. Mais au milieu de terrain nous avons de la matière. C’est pourquoi je pense que par rapport aux problèmes en défense centrale, Kudela sera celui qui nous manquera le plus. »

Avec l’absence de Provod, ne manque-t-il cependant pas une note un peu plus créative dans l’entrejeu ?

« Ouaih... Libor Dočkal, du Sparta, n’a pas été retenu non plus. C’est vrai que l’on est peut-être déficitaires dans la construction du jeu, mais on doit être parmi les plus forts dans l’agressivité et le pressing, deux domaines où l’on compense une certaine pénurie de joueurs créatifs. »

Un mot sur le jeune Adam Hložek (18 ans), qui a fait son apparition en équipe nationale à l’automne dernier. Le feriez-vous jouer ? Techniquement il apparaît au-dessus du lot.

Adam Hložek | Photo: Michal Kamaryt,  ČTK

« Si son état de santé le lui permet, pourquoi pas ? Il a été longtemps blessé, mais il a quand même fait une super saison avec le Sparta. Il peut joueur à gauche comme à droite ou en attaquant de pointe, quel que soit son poste, il peut apporter beaucoup. Il travaille aussi pour l’équipe, il sait défendre. Et surtout c’est un joueur qui sait marquer et peut être décisif. Selon moi, malgré son jeune âge, il est prêt, y compris mentalement, car c’est un joueur bien dans sa tête. Il sait ce qu’il veut. »

Vous êtes juriste de formation. Que pensez-vous de la suspension pour 10 matchs infligée par l’UEFA à Ondřej Kudela pour « comportement raciste », alors que rien finalement n’a été prouvé ?

« J’ai vu le match du Slavia à Glasgow contre les Rangers. Les Rangers étaient clairement frustrés. Ils s’engageaient dans chaque duel avec l’intention de casser et de faire mal aux joueurs du Slavia. Kudela n’aurait pas dû réagir comme il l’a fait, mais sa réaction peut se comprendre. A mes yeux, c’est une sanction très, très dure pour tous les Tchèques. Beaucoup de gens jugent Kudela sans même avoir vu le match. Qu’on se comprenne bien : je suis contre le racisme, je le condamne. S’il est prouvé que Kudela a dit quelque chose de raciste, qu’on le suspende un an. Mais là, lui seul sait ce qu’il a dit... »

Vous lui laisseriez donc le bénéfice du doute ?

« J’ai du mal à comprendre la sanction infligée par la commission de discipline, à partir du moment où personne ne sait ce que Kudela a vraiment dit. Il a quand même écopé de dix matchs de suspension, c’est très lourd... »

Merci, Ivan Hašek, aussi pour l’excellent français que vous continuer d’entretenir...

« C’est parce que j’espère une finale de l’Euro entre la France et la République tchèque ! »