Le cirque tchèque aujourd'hui
Berousek, Navratil, Kludsky, Junek, Kaiser... Cela ne vous dit certainement pas grand-chose. Par contre, si je vous dis Bouglione seulement, vous saurez tout de suite à quel sujet nous allons nous consacrer : le cirque. Un mot magique pour les petits et grands, un mot qui évoque les fauves, les clowns, les jongleurs, les belles écuyères et toute cette atmosphère un peu spéciale que créent les gens de la piste. Une atmosphère que nous vivons de temps en temps, mais que les gens du cirque vivent tous les jours, le quotidien donc...
Le cirque, quand on y pense, une musique semblable nous vient immédiatement à l'idée. En République tchèque, il existe une trentaine de cirques, plus ou moins bons, plus ou moins grands. A la différence de certains pays, la France ou la Russie, par exemple, il n'y a pas de chapiteaux stables, comme le Phoenix français ou autres dans le monde. En Tchéquie, on ne trouve pas de cirque d'hiver, dans un bâtiment en dur. La saison commence au début du mois d'avril et se termine, pour la majorité des cirques, le 16 novembre, donc le week-end écoulé. Certains cirques tchèques ont l'habitude de terminer cette saison dans la capitale, Prague. Je n'ai pu résister à la tentation, et je suis allé faire un tour au cirque Humberto, juste avant la fin de la saison justement, jeudi dernier. Il avait planté son chapiteau en face d'un des plus grands hôpitaux de Prague, dans le 4e arrondissement. Pratique, car il était facilement accessible par les transports en commun. C'est la directrice, Mme Marie Navratilova, une femme des plus charmantes, qui m'a accueilli à l'entrée de l'enceinte du cirque. Il ne se nomme pas Navratil, comme on pourrait le penser, mais Humberto. Mme la directrice ne parlait malheureusement pas le français, mais elle m'a recommandé son fils, Karel, qui lui, arrive à s'exprimer dans la langue de Voltaire...
Karel Navratil nous raconte ce qu'il fait au cirque, ce que font les membres de sa famille. Le numéro exceptionnel du cirque Humberto, ce que font les hommes et les animaux en dehors de la saison.Les lions, en fait, il y en avait quinze, car le jeune Karel Navratil (âgé de vingt-quatre ans seulement) en avait oublié un, le dernier-né, un petit lionceau qui n'avait même pas encore de nom. Accompagné de la soeur de Karel, j'ai été les voir, dans leur cage. Ils étaient impressionnants, mais n'ont rien voulu nous dire... tout d'abord. Alors, la petite a été prendre le petit lionceau et j'ai pu le caresser, sans pouvoir éviter un coup de griffe, petite, mais plus grosse quand même que celle de mon chien. J'ai poussé un cri et le lionceau a fait de même. A ce moment, les lions, les grands, se sont manifestés.
J'ai encore demandé ce que faisaient les employés du cirque Humberto, en dehors de la saison. Karel Navratil m'a précisé que sur les 130 employés, il y avait 50 êtres humains et 80 animaux, parmi ces derniers, les lions donc, deux ours, des chevaux, des poneys, des chameaux et des dromadaires, des lamas et deux ânes. Quand la saison se termine, tout ce beau monde prend ses quartiers d'hiver. Pour le cirque Humberto, c'est une grande ferme située dans les environs d'Usti nad Labem, en Bohême du nord. Les animaux passent quatre mois de vacances. Les humains un peu moins : une quinzaine de jours sans rien faire, mais après ils s'en vont présenter leurs numéros dans d'autres cirques, dans des spectacles de variétés, comme « Le plus grand cabaret du monde » de Patrick Sébastien, par exemple. J'ai demandé à Karel Navratil s'il était difficile de travailler au cirque. Sa réponse était on ne peut plus claire : quand on est né au cirque, on y reste pour toujours. Quand on est originaire d'un autre milieu, on n'y reste pas longtemps.
Pour en revenir aux autres cirques tchèques, disons qu'ils vivent une certaine crise. Ils sont trop nombreux pour la République tchèque et connaissent, ainsi, un déficit de spectateurs. En plus de cela, la concurrence est des plus féroces, souvent même déloyale. Les cirques se battent, littéralement, pour les meilleurs endroits où planter leurs chapiteaux. Les meilleurs cirques tchèques ? Difficile à dire : peut-être Humberto, Jo-Joo, un nouveau-venu très ambitieux, et Berousek, l'un des plus anciens. Son directeur, Jiri Berousek, a passé trois ans sous le chapîteau du plus grand cirque du monde, Ringling Bros & Barnum Bailey, avec son numéro d'ours, pour lequel il détient le prix du dressage humanitaire... Les protecteurs des animaux protestent souvent contre les numéros de cirques les utilisant. Au cirque Humberto, les lions avaient l'air satisfaits. Quand le temps le permet, ils ne restent pas dans leurs cages. Ils prennent leurs quartiers dans une grande enceinte protégée, mais en plein air. C'est eux qui vous diront que nous allons nous quitter.