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26) Kateřina Tučková : les « déesses de Žítková » et autres héroïnes

Kateřina Tučková

Avec des œuvres traduites dans 16 langues – et d’autres à venir –, Kateřina Tučková est une écrivaine tchèque contemporaine de renommée internationale. Pourtant, de par les périodes historiques et les localités géographiques dans lesquels ils sont campés, ses récits sont on ne peut plus tchèques. Mais Kateřina Tučková a le don de dénicher des thèmes intrigants pour offrir au lecteur une (re)découverte de l’histoire et de régions tchèques négligées, à travers les yeux de protagonistes qui sont le plus souvent des femmes.

Née en 1980, Kateřina Tučková a étudié l’histoire de l’art, le tchèque et la littérature tchèque. Elle s’intéresse par ailleurs à l’histoire locale, et ses écrits semblent cristalliser ses centres d’intérêt. Ainsi, son premier roman, « Vyhnání Gerty Schnirch » (« L’expulsion de Gerta Schnirch », paru en République tchèque en 2009, non traduit en français) aborde une période sombre de l’histoire tchèque : l’expulsion des Allemands de Tchécoslovaquie. Kateřina Tučková :

'L’expulsion de Gerta Schnirch' | Photo: Host

« C’est un livre qui traite d’un chapitre tabou de l’histoire tchèque, l’évacuation des Allemands tchécoslovaques qui, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, ont dû abandonner leurs domiciles. Il y avait une minorité de 3,5 millions d’Allemands tchécoslovaques. C’était une minorité très hétérogène, il y avait par exemple des Juifs allemands de nationalité tchécoslovaque, des antifascistes, des jeunes, des vieux, des personnes indifférentes en matière de politique… et tout ce groupe très divers a été expulsé de la Tchécoslovaquie. Pour moi, c’est un tort énorme pour ces personnes, pour lesquels cela a constitué un énorme traumatisme, la perte de leur chez-eux, la perte de vies, tout ça à cause de l’Histoire avec un grand H, à cause de gens qui n’avaient rien à voir avec eux… »

« Parmi les histoires de ces personnes, je suis tombée sur celle d’une jeune femme de 21 ans et de son bébé, elles aussi victimes de cette évacuation collective. Ce livre traite donc de l’histoire de Gerta Schnirch, une jeune femme de 21 ans issue d’une famille tchéco-allemande, qui a dû quitter Brno en 1945 et qui a ensuite rencontré énormément de difficultés dans la campagne morave. Elle a finalement pu revenir à Brno, mais la fin de ses errances n’a pas été heureuse, car les horreurs auxquelles elle a dû faire face à la fin de la guerre, la perte de nationalité, de dignité, ont ravagé aussi bien sa fille que sa petite fille. »

Chez Kateřina Tučková, les lieux et leur histoire jouent un rôle aussi important que les personnages : souvent, c’est une histoire humaine propre à un lieu donné qui lui est source d’inspiration. Les zones frontalières, dont l’histoire a souvent été mouvementée, sont particulièrement représentées dans sa prose. C’est d’ailleurs le cas dans son second roman, « Žítkovské bohyně » (« Les déesses de Žítková »), qui se passe sur les hauteurs des Carpates blanches, à la frontière entre la Tchéquie et la Slovaquie. Dans cette région loin de tout, vivaient depuis toujours des femmes possédant des dons exceptionnels. Elles savaient soigner les souffrances du corps, de l’esprit et du cœur, elles procuraient des conseils, et on disait même d’elles qu’elles savaient invoquer les éléments et prédire l’avenir. On les appelait « bohyně », les déesses, et elles transmettaient leur talent de génération en génération.

'Les déesses de Žítková' | Photo: Marián Vojtek,  ČRo

Une histoire dans l’Histoire

L’héroïne du roman, Dora Idesová, est l’une des dernières descendantes des familles de déesses de Žítková. Mais elle n’a pas appris leur savoir-faire… Etudiante en ethnographie, elle a cependant décidé de rédiger un travail scientifique détaillé à leur sujet. A la fin des années 1990, elle découvre, dans les archives du ministère tchèque de l’Intérieur, un dossier de la police secrète communiste (StB) à propos d’un « ennemi intérieur » bien particulier : sa tante, la déesse Surmena. Dora désembrouille alors petit à petit les destins des femmes de Žítková et découvre, à sa grande surprise, que si elle-même n’est pas devenue une déesse, elle ne fait pas moins partie intégrante d’une tradition bien mystérieuse…

« Longtemps, elle pensait que leurs tracas avaient commencé avec cet événement. En fait, ils n’avaient pas commencé ce jour-là, au moment où ils scrutaient les corps de leurs parents, à la porte de la maison du versant de Koprvazy. […] c’était dans l’ordre des choses, ça devait se terminer ainsi. Ainsi ou un peu différemment, mais de manière semblable, par un malheur. Car sa mère aussi était une déesse et les déesses n’avaient pas le destin facile. »

(traduction de Marion Ranoux pour le Centre littéraire tchèque)

Les Carpates blanches | Photo: Tomáš Fránek,  ČRo

Le livre de tous les records

Déjà traduit en 16 langues, ce roman sera enfin accessible aux lecteurs français dès l’année 2022, dans une traduction d’Eurydice Antolin publiée aux éditions Charleston. En République tchèque, avec une première publication à 60 000 exemplaires, suivie d’une réédition à 22 000 exemplaires, « Žítkovské bohyně » a été le livre d’un auteur tchèque le plus emprunté dans les bibliothèques en 2013. Il a d’ailleurs obtenu le prix des lecteurs du prix tchèque Magnesia Litera (qui avait, soit dit en passant, également récompensé « Vyhnání Gerty Schnirch » en 2010).

Et il n’y a pas que les lecteurs qui le portent aux nues : en 2012, il a reçu le prix Josef Škvorecký ainsi que le prix Český bestseller. De par le monde, en 2014, déjà, plus de 100 000 exemplaires en avaient été vendus.

Petr Mizera et son épouse sont propriétaires de la maison qui appartenait à la dernière des déesses du village de Žítková en activité, Irma Gabrhelová. Après l’avoir rénovée en respectant autant que possible son « esprit original », ils en ont fait un musée, dans lequel ils proposent des visites guidées à des curieux du monde entier.

Žítková | Photo: Saskia Mišová,  ČRo

« Nous proposons une visite guidée d’1 h 30, durant laquelle nous racontons l’histoire d’Irma, de cette maison et des déesses. Les visiteurs viennent de toute la République tchèque ainsi que de Slovaquie. Il en vient aussi de l’étranger, bien sûr, dans des proportions moindres, mais certains touristes viennent de Moscou, d’Autriche… Nous avons même eu des visiteurs du Canada et des Etats-Unis ! Mais seulement de façon exceptionnelle. La plupart du temps, il s’agit de gens qui ont lu le roman de Kateřina Tučková. »

« Moi aussi, je l’ai lu, bien sûr. Il m’a énormément plu ! Kateřina Tučková a un don véritable, c’est ce que je dis à nos visiteurs. Son roman est parfaitement maîtrisé, elle a retranscrit l’époque telle qu’elle était et dans la bonne forme. Cela a touché énormément de gens. Récemment, nous avons même eu une visiteuse du Japon, qui m’a dit qu’elle était en train de le traduire en japonais. »

Žítková | Photo: Saskia Mišová,  ČRo

Ce succès littéraire s’est déplacé sur les planches : en Tchéquie, « Žítkovské bohyně » a été mis en scène par plusieurs théâtres de Prague et d'autres villes du pays ; de plus, le roman existe également en livre audio.

Ces prix et chiffres record pour une œuvre littéraire contemporaine tchèque viennent récompenser trois années de travail créatif ardu sur fond de recherches historiques. Kateřina Tučková :

« Ce livre se base sur des faits réels : j’ai passé trois années à faire des recherches sur les événements autour des déesses de Žítková, cela tout en rédigeant le roman. J’ai fait figurer dans ce livre de nombreux passages des vies de différentes générations de déesses, de façon à former un cadre qui culminerait en apogée. Ma priorité, c’était une adaptation romancée ; cependant, j’y ai fait figurer des éléments, des passages et des événements dénichés dans les documents d’archives ou que m’ont racontés des témoins de l’époque, qui se souvenaient encore de l’activité des déesses de cette région des Carpates blanches appelée Moravské kopanice. »

Ainsi, dans sa volonté d’offrir une histoire détaillée des déesses des Carpates blanches, Kateřina Tučková fait par exemple figurer dans son livre une retranscription adaptée du procès de Kateřina Shánělka et de Kateřina Divoká, deux femmes condamnées pour sorcellerie au XVIIe siècle.

Si Kateřina Tučková a popularisé l’intérêt pour les déesses des Carpates blanches, elle n’est pas la première à s’être penchée sur le sujet. Déjà, au début du XXe siècle, le prêtre Josef Hofer avait publié plusieurs textes à leur sujet. Kateřina Tučková s’en est inspiré, ainsi que des travaux du journaliste Jiří Jilík. Elle ne manque d’ailleurs pas de citer ses sources dans une note à la fin de son ouvrage.

Kateřina Tučková | Photo: Archives de Kateřina Tučková

Si le roman de Kateřina Tučková se base donc sur des faits historiques réels, il n’en reste pas moins une œuvre de fiction. A travers celle-ci, Kateřina Tučková voulait rendre hommage à ces exceptionnelles femmes éponymes:

« Ce qui me semble le plus intéressant, c’est l’incroyable valeur de ce phénomène qui avait été perpétué pendant des siècles, dissimulé dans les collines des Carpates blanches. Pour moi, c’est une immense richesse que l’on devrait choyer et entretenir pour les générations futures. Mais c’est l’inverse qui a eu lieu, c’est la politique qui a gagné, et ces femmes qui dérangeaient le régime ont été éliminées l’une après l’autre. Ce qui est fascinant, c’est que, pour le régime communiste, ces femmes – que l’on peut considérer avant tout comme utiles à la société – méritaient qu’on les élimine. Pour les générations futures, je souhaitais garder une trace de cette perte, ne serait-ce qu’au moyen de ce livre. »

Registres et dialectes

Il n’y a pas qu’en retransmettant leur histoire que Kateřina Tučková leur rend hommage : elle met également un point d’honneur à reproduire la richesse linguistique du dialecte parlé dans les Carpates blanches. Si le lecteur non averti tique un peu sur le mot « zeliny » à sa première occurrence, il comprend rapidement qu’il s’agit des simples, des plantes médicinales utilisées par les déesses dans le cadre de leur activité, que les autochtones qualifient d’ailleurs de « bohování », « déessage ». Par ailleurs, le roman cite des incantations et autres prières mêlant références catholiques et profanes dans un savoureux dialecte local.

Žítková | Photo: Jiří Komárek,  Wikimedia Commons,  CC BY-SA 4.0 DEED

Le charme de la langue régionale contraste d’autant plus avec la froideur de la langue administrative, que l’on retrouve dans les nombreuses archives consultées tout au long du récit par l’héroïne, Dora Idesová, dans le cadre de ses recherches universitaires. Kateřina Tučková explique que reproduire ce jargon bureaucratique à la syntaxe et à la terminologie si pragmatiques n’a pas été aussi difficile que l’on pourrait le croire :

« Cela ne m’a pas du tout posé de problème, car leur discours est si spécifique que pour m’en imprégner, il m’a suffi de lire différents dossiers concernant des ennemis du régime – pas seulement des déesses, mais toutes sortes de personnes aux « facultés exceptionnelles », par exemple des guérisseurs, ou bien des personnes qui avaient des pratiques spirituelles différentes, par exemple des Témoins de Jéhovah ou des activistes catholiques. La langue de la police secrète communiste était tellement spécifique par sa froideur, son incroyable distance par rapport à ce qui se déroulait sous les yeux de ces agents du Stb, de ces espions, qu’il m’a ensuite été très facile de créer des documents dans ce ton. Dans l’histoire des déesses de Žítková, ces documents concernent Surmena, l’une des dernières déesses de Žítková, qui a été suivie par la police secrète puis placée dans un hôpital psychiatrique, où elle a tout d’abord perdu sa conscience, puis la vie. »

Des rebouteuses non grata

Dans le livre « Žítkovské bohyně », il y a un véritable effort de mise en évidence des dommages causés par le régime communiste tchécoslovaque à ces guérisseuses. Une façon, certainement, de rendre hommage à leur travail et à leurs compétences. Interrogée sur les « pouvoirs magiques » des déesses de Žítkova, Kateřina Tučková tempère son propos :

Žítková | Photo: Palickap,  Wikimedia Commons,  CC BY 3.0

« Je suis plutôt du type rationnel, comme Dora Idesová, cette chercheuse plutôt sceptique, qui croit uniquement ce qu’elle voit noir sur blanc, ou ce qu’elle étudie elle-même. Mais il est vrai que grâce aux rencontres avec des témoins de l’époque, qui m’ont décrit le mode de soin des déesses de Žítková, j’ai compris – à voir comment leurs yeux étincelaient – que ça fonctionnait. Leurs difficultés s’étaient allégées, notamment parce qu’ils croyaient au pouvoir des déesses. Qu’il s’agisse de médecine par les plantes ou de leur excellente compréhension de la façon dont fonctionnent le corps et le mental – ce qu’aujourd’hui on appellerait le traitement des problèmes psychosomatiques –, les déesses étaient la preuve vivante que ça fonctionnait. Peu importe, en fait, si c’était leurs rituels magiques qui apportaient les effets désirés, ou si c’était l’œuvre du charisme et des connaissances de ces déesses. L’écriture et les rencontres m’ont obligée à reculer quelque peu les limites de ma rationalité, de mon scepticisme sur la question, mais somme toute, j’ai gardé mon avis à moi. »

« Son monde s’était métamorphosé. Finies les longues après-midi monotones, les heures d’ennui s’éternisant et le flou dans lequel s’écoulait sa vie. Du jour où elle devint un ange, elle ne s’assit plus sur le banc devant la maison dans une inutile solitude montagnarde. Son temps devenait celui de nombreuses personnes parmi lesquelles elle tenait un rôle important. Elle le remplissait avec fierté, consciente de sa responsabilité d’une tradition secrète issue d’un passé si lointain que personne à Žítková ou Kopanice ne pouvait plus se l’imaginer. Chacun s’inclinait avec respect : « Le langage des dieux est très ancien, les déesses et les andzjes remontent à la nuit des temps. »

(traduction de Marion Ranoux pour le Centre littéraire tchèque)

Ainsi Kateřina Tučková est un peu comme Dora, l’héroïne du roman : terre à terre, elle se trouve poussée dans ses retranchements. Cependant, en donnant comme explication de l’acharnement d’un agent de la police secrète sur les déesses de Žítková (et sur Surmena en particulier) une arrestation et une peine de prison rendues possibles grâce aux dons de voyance de la déesse Surmena, Kateřina Tučková admet bien leurs facultés exceptionnelles.

Petr Mizera, quant à lui, explique que le régime communiste n’est pas seul responsable de la disparition de la tradition de « déessage » dans les Carpates blanches : l’ouverture au monde et l’arrivée de connaissances modernes ont également sonné le glas des déesses de Žítková :

La maison d’Irma Gabrhelová | Photo: Site officiel de Chalupa Žítková

« C’est comme ça que les choses devaient se passer. Les déesses transmettaient leur don à leurs filles, en général à l’aînée. Avec la prise du pouvoir par les communistes, les temps ont changé, les filles ne voulaient plus continuer. Elles allaient à l’école, elles découvraient la civilisation, ça ne les intéressait plus. Irma, elle a réussi à transmettre ça à sa fille, que l’on appelait Štefka. Elle a repris ça, elle faisait elle aussi du ‘déessage’. Mais la pression sur les déesses était trop forte, à l’époque. Et Štefka, elle a perdu la tête. Après, elle ne voulait plus le faire. »

« En 2012, Kateřina Tučková a publié son livre. Et pour vous montrer que tout est lié par le destin, Štefka, elle, à ce moment, était exceptionnellement en train de ‘déesser’ pour une personne. Mais pendant ce ‘déessage’, cette personne l’a tellement blessée qu’elle en est morte. »

« L’époque avait tellement changé, mais les déesses vivaient toujours dans leur beau monde inchangé… C’était prédestiné que les déesses partent au plus haut de leur gloire. »

Région relativement peu accessible, et isolée pendant des siècles, depuis la publication du roman de Kateřina Tučková, les Carpates blanches voient affluer des touristes pas toujours conscients de la part importante de fiction de son roman. En effet, Kateřina Tučková a utilisé les noms de déesses et personnalités locales réelles de façon libre, et le schéma narratif de son récit est bel et bien fictionnel. Cette part d’invention n’est pas du goût de tous les habitants de la région. Kateřina Tučková justifie cependant son approche de l’histoire locale :

Irma Gabrhelová | Photo repro: 'Žítkovské bohyně,  lidová magie na Moravských Kopanicích'

« Si j’avais à le refaire, je le ferais de nouveau. J’ai utilisé Irma Gabrhelová comme un personnage épisodique, pour qu’on ne l’oublie pas, pour lui offrir un petit ‘mémorial littéraire’. Les informations que j’ai obtenues sur elle de la part des personnes qu’elle avait aidées m’ont fait éprouver beaucoup de respect, d’estime et d’admiration pour cette femme modeste. J’avais donc envie que son nom soit perpétué. Je suis vraiment désolée que certains de ses descendants, ainsi que d’autres personnes de Žítková, voient cela différemment. Mais d’autres ont bien compris mon approche. J’ai donc la conscience tranquille et je suis heureuse d’avoir eu la possibilité de passer un peu de temps avec Irma Gabrhelová à travers les pages de mon livre. Je suis heureuse qu’elle y figure. »

Petr Mizera, lui, fait partie des admirateurs du travail de Kateřina Tučková. Il explique pourquoi, selon lui, tout le monde n’est pas de son avis, replaçant la réaction d’une part de la population dans le contexte historique et social local :

« La région de Žítková a un passé fait de misère et de pauvreté. La vie ici était vraiment rude, et cette pauvreté, cette dure vie est restée présente dans les gens d’ici. Et puis il faut prendre en compte le fait que les gens d’ici avaient un respect tel pour les déesses que c’en était presque de la peur. Ils n’en parlaient même pas. Et Kateřina Tučková a rendu ce phénomène visible, et les gens… les gens ne la soutiennent pas. Parce qu’à cause d’elle, la région a été rendue plus visible, et les touristes ont commencé à y venir. Et les gens d’ici n’ont toujours pas digéré cela. Ils n’admirent pas Kateřina Tučková parce qu’elle a perturbé leur petite tranquillité. Sans même parler du fait qu’elle a rendu public les déesses, qui étaient taboues et qui leur font peur aujourd’hui encore. Donc les gens d’ici ne l’aiment pas, mais le reste de la nation la voit de façon très positive. »

Les vraies héroïnes de l’histoire tchèque

Depuis ce best-seller national et international, Kateřina Tučková ne s’est pas reposée sur ses lauriers.

'Héroïnes' | Photo: Universum

En 2020, elle a participé à un bel ouvrage collectif intitulé « Hrdinky » (« Héroïnes »), qui offre une sélection de 60 portraits illustrés de femmes tchèques connues ou inconnues, ayant vécu à différentes époques, originaires de différentes régions du pays, parlant différentes langues et issues de différentes ethnies, mais qui ont toutes – par leurs engagements, leurs actions ou ne serait-ce que par leur comportement – joué un rôle important dans la société à différents niveaux. Une sélection à objectif pédagogique visant à « mettre en valeur la diversité culturelle et ethnique des terres tchèques », selon Kateřina Tučková, qui déplore que le système d’éducation tchèque ne prenne pas suffisamment en compte et ne mette pas suffisamment en valeur ces personnalités féminines de l’histoire tchèque.

Les eaux troubles de l’histoire tchèque, encore et toujours

Et le prochain roman de Kateřina Tučková, attendu dans les librairies tchèques l’an prochain, viendra lui aussi rendre hommage à des femmes que l’histoire tchèque a laissées pour compte : des religieuses persécutées par le régime communiste, qui les avait internées à partir des années 1950 dans un village à la frontière avec la Pologne portant le nom ô combien lyrique de Bílá voda (« eau blanche »). Pourtant, c’est tout sauf poétique qu’a été leur destin, et le cimetière de quelque 800 tombes qui accueille aujourd’hui leurs dépouilles est là pour en témoigner. Une fois de plus, Kateřina Tučková est là pour nous emmener dans une région frontalière au passé tourmenté. Et pour honorer celles et ceux que l’histoire préfère parfois oublier.

En attendant de pouvoir lire l’histoire des déesses des Carpates blanches (l’an prochain aux éditions Charleston), les lecteurs français seront certainement heureux de découvrir la prose de Kateřina Tučková dans un texte court traduit par Benoît Meunier et publié dans une anthologie de littérature européenne, qui paraîtra chez Grasset le 1er janvier 2022, à l’occasion de la présidence française du Conseil de l’Union européenne.

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