Les zones chaudes de Prague sur un cliché de la Station spatiale internationale
Holešovice, le quartier du stade O2 arena ou encore la zone industrielle de Šterboholy : ce sont les zones chaudes mises en évidence par une image thermique de la capitale tchèque réalisée par la Station spatiale internationale (SSI) le 18 juin.
Ce jour-là, alors que l’été n’était pas encore officiellement commencé, le soleil faisait monter la température de certaines surfaces de la capitale tchèque à plus de 45 °C. L’image thermique prise par la SSI présente les zones de la ville colorées en fonction de la température qui y a été relevée, depuis des zones bleues et vertes indiquant des températures oscillant autour de 30 °C, aux zones rouge foncé indiquant des températures proches de 50 °C. Une précision tout de même : une image thermique immortalise la situation thermique à un moment donné, différant en cela d’une carte des îlots de chaleur urbains, qui identifie les élévations localisées des températures en milieu urbain.
Image thermique ≠ îlots de chaleur
Pour établir une carte des îlots de chaleur, il faut donc rassembler les données de plusieurs dizaines d’images thermiques et suivre une méthodologie précise. C’est d’ailleurs ce qu’a réalisé en 2020 l’Institut de planification et de développement de Prague. De plus, certains facteurs peuvent influencer les relevés de température : le vent modifie la température ressentie, tandis que la circulation automobile ou encore une présence humaine concentrée font ponctuellement monter le thermomètre. Ainsi, un festival organisé dans un parc peut modifier la couleur d’une zone donnée sur une image thermique prise à ce moment ; il ne sera en revanche pas rapporté sur une carte des îlots de chaleur urbains.
Holešovice, un quartier très chaud
Mais revenons-en à l’image thermique de la Station spatiale internationale datée du 18 juin. Si le maire de Prague, Zdeněk Hřib, l’a qualifiée sur Twitter de « carte des îlots de chaleur de Prague » – à tort, nous l’avons donc compris –, elle n’en est pas moins révélatrice. Une zone de couleur rouge particulièrement étendue saute aux yeux : le quartier de Holešovice. Spécialiste de l’aménagement paysager à l’Institut de planification et de développement de Prague, Michael Pondělíček explique pourquoi ce quartier est particulièrement chaud :
« C’est essentiellement parce qu’il s’agit d’un ancien quartier ferroviaire, avec une forte concentration de surfaces techniques, d’asphalte et de ferraille, qui absorbent énormément la chaleur, l’énergie du soleil. Alors que les espaces verts y sont rares. La température n’y baisse pas même pendant la nuit. De plus, sa position – dans un coude de la Vltava – joue un rôle, car le fond de la vallée est généralement plus chaud et l’air y circule moins. C’est donc pour cela que le quartier d’Holešovice est une zone particulièrement chaude. »
Les oasis de la capitale
A l’inverse, l’image thermique met en évidence des zones aux températures nettement moins élevées. Michael Pondělíček :
« Aussi bien l’image thermique de la SSI que la carte des îlots de chaleur de l’Institut de planification et de développement de Prague montrent des zones qui sont des véritables oasis dans la ville. Il s’agit des espaces verts, et parmi eux, les cimetières d’Olšany se distinguent particulièrement. Avec leurs arbres hauts, ils créent un microclimat ; dans le quartier, l’air est plus frais et plus humide. Par ailleurs, bien évidemment, tous les parcs de la ville fonctionnent de la même façon : Petřín, Stromovka, Vítkov, etc. »
La Vltava, un couloir de fraîcheur
La rivière qui traverse la capitale tchèque a elle aussi un effet sur les températures – mesurées et ressenties. Michael Pondělíček :
« La Vltava joue elle aussi un rôle important, puisqu’il s’agit d’un collecteur d’une énorme masse d’eau, qui apporte non seulement la fraîcheur des eaux du barrage de Vrané, mais également de l’humidité à l’air du bassin de la Vltava. Il s’agit donc d’un véritable couloir de fraîcheur pour le centre-ville, notamment grâce à la rue Pařížská, qui amène l’air frais au centre. Néanmoins, plus en profondeur dans la Vieille-Ville, la disposition des rues ne permet pas la circulation de cet air frais. »
Mais alors, quelles sont les solutions à envisager pour rendre la ville plus vivable même dans ces zones autrefois industrielles et fortement bitumées, plus anciennes que le terme « réchauffement climatique », et également dans les quartiers historiques, pavés bien avant que l’impact de l’homme sur le climat ne soit une préoccupation ? Michael Pondělíček :
« Il existe une solution simple : les villes qui disposent de forêts ont un énorme avantage. C’est par exemple le cas de Hradec Králové, où l’air est nettement plus frais la nuit. Ce n’est pas le cas de Prague, malheureusement… Mais une présence plus importante de verdure dans les rues permet d’y créer un microclimat. »
« Par ailleurs, on est aujourd’hui en mesure de remplacer les tuiles classiques des toits par des panneaux photovoltaïques de couleur identique et qui, au lieu de refléter l’énergie solaire, l’absorbent pour en fabriquer de l’électricité. C’est une solution censée pour les bâtiments hors zones de patrimoine protégé. »
« De plus, tout élément impliquant de l’eau apporte de la fraîcheur dans une ville ; néanmoins, je n’entends pas par-là la mise en place de deux ou trois brumisateurs, mais plutôt une réflexion et une volonté d’agir sur le long terme, avec la création de parcs qui génèrent un microclimat. »
Parcs et arbres ; panneaux solaires et sable blanc
« Enfin, l’utilisation de matériaux différents pour la construction, comme par exemple des enduits argentés sur les toits, ou encore l’utilisation de sable blanc ou de goudron de couleur claire, qui ont donc une réflectance plus importante, peut avoir une incidence. On le remarque particulièrement sur les clichés pris de nuit avec une caméra thermique ; ils ont une valeur inestimable, car ils montrent bien la réflectance et l’absorption des différentes couvertures de toit. »
Ville dont la densité importante d’espaces verts fait régulièrement l’objet des louanges des étrangers de passage ou de ceux qui s’y sont installés, Prague montre néanmoins ses limites quand le mercure grimpe – et que la canicule dure. Les panneaux photovoltaïques installés sur les toits du ministère tchèque de l’Environnement, de l’université technique de Prague (ČVUT) et d’autres bâtiments municipaux constituent un bon début, mais cela ne semble clairement pas suffisamment face aux vagues de chaleur auxquelles la capitale tchèque fait face presque systématiquement depuis une dizaine d’années.