L’ONU appelle les présidences française et tchèque de l’UE à en faire plus pour les réfugiés
Alors que la Pologne a officiellement lancé la construction d’une nouvelle clôture de 180 km de long à la frontière avec la Biélorussie pour empêcher les migrants illégaux de pénétrer le territoire européen, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) exhorte la France – actuellement à la présidence tournante de l’UE – et la Tchéquie – qui prendra la relève au 1er juillet – à « négocier une réforme durable » de l’asile pour mettre fin aux « violations des droits » aux frontières de l’Europe.
Dans la forêt de Białowieża, les migrants sont actuellement moins nombreux qu’à l’automne 2021, mais ils sont toujours là – et ils continuent de tenter de franchir la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. Cette zone frontalière spéciale créée par la Pologne est interdite aux ONG humanitaires et aux médias, mais surveillée par plusieurs milliers de garde-frontières, avec l’ordre de repousser les migrants côté biélorusse. Des mesures qui, ajoutées à la mort de froid ou de faim d’une dizaine de migrants, ont suscité l’indignation des ONG et autres défenseurs des droits de l’homme. Parmi eux, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) a publié une série de recommandations à l’intention des deux pays chargés de la présidence tournante de l’Union européenne en 2022, les exhortant à faire de la protection des réfugiés une priorité.
Ces recommandations soulignent trois points essentiels, sur lesquels la France, puis la République tchèque, devraient donc concentrer leurs efforts cette année. Tout d’abord, l’accès au territoire et le respect des droits de l’homme aux frontières doit être garanti. Ensuite, il est nécessaire de mettre en place des procédures d’asile équitables et rapides, de façon à déterminer les personnes ayant besoin d’une protection internationale. Enfin, la solidarité intra-européenne et le partage des responsabilités doit être amélioré. Pour citer le représentant chargé des affaires européennes pour l’agence des Nations unies pour les réfugiés Gonzalo Vargas Llosa, « la gestion des frontières, le partage des responsabilités et le respect des droits de l’homme sont compatibles ».
Pour matérialiser ces beaux principes, et compte tenu du nombre croissant de personnes déplacées de force dans le monde, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) appelle les présidences française et tchèque à faire pression pour que l’UE accorde un financement humanitaire supplémentaire et plus souple. Les présidences du Conseil de l’Union européenne peuvent avoir un rôle rassembleur dans l’aide humanitaire, le développement et les interventions politiques de l’UE dans les crises migratoires, tout en intégrant l’action climatique. Par ailleurs, d’après l’agence des Nations unies pour les réfugiés, le prochain sommet Union européenne-Union africaine (UE-UA) – qui se tiendra sous la présidence française, les 17 et 18 février – est une autre occasion de renforcer le dialogue des différentes institutions à propos du déplacement forcé.
Si dans l’idée, les droits de l’homme internationaux sont loin de laisser la plupart des pays européens indifférents, dans les faits, en 2021, ces droits ont été largement mis à mal aux frontières de l’UE, où affluent des milliers de migrants depuis l’été de l’année dernière. Des migrants bloqués aux frontières de l’Europe, privés du droit de demande d’asile, et livrés à eux-mêmes, puisque même Médecins sans frontières a jeté l’éponge début janvier, quittant la région après que la Pologne a annoncé une prolongation de trois mois de l’interdiction d’accès à cette zone.
Admettant « l’intérêt légitime des Etats dans la gestion de leurs frontières », le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) rappelle que les membres de l’UE ne sont pas pour autant exempts de leurs obligations en matière d’asile. Ainsi l’agence déplore la limitation actuelle de l’asile dans l’Union européenne, mais aussi « l’instrumentalisation des réfugiés et des migrants pour des raisons géopolitiques », soulignant la forte probabilité de « répercussions négatives » à d’autres endroits du monde – et notamment dans les pays accueillant des populations de réfugiés bien plus importantes que l’UE, et disposant pourtant de moyens bien moindres. En effet, comme il est rappelé dans ces recommandations, actuellement, « quelque 85 % des réfugiés du monde entier sont accueillis par des pays aux revenus faibles ou moyens, alors que les arrivées dans l’Union européenne sont gérables ».
Pour rappel, les pays occidentaux accusent la Biélorussie d’avoir orchestré le mouvement de migration aux portes orientales de l’UE afin de se venger des sanctions qui lui ont été imposées après les élections contestées en 2020. Cependant, Minsk a rejeté ces accusations et reproché à Varsovie de refouler violemment les migrants ayant réussi à passer la frontière.
A l’automne 2021, la République tchèque avait proposé à la Pologne d’envoyer ses soldats en renfort, mais Varsovie n’a pas eu recours à l’aide de son voisin. Souhaitant garder la main sur sa frontière, la Pologne a également toujours refusé l’aide de Bruxelles, qui proposait d’envoyer l’agence européenne Frontex pour participer à la surveillance de la frontière avec la Biélorussie. Finalement, Varsovie a donc opté pour une solution radicale : la construction d’une clôture avec barrière métallique de cinq mètres de haut et de 180 km de long, construction qui devrait s’achever en juin 2022.
La réforme de l’asile et des migrations a été engagée par la Commission européenne en septembre 2020, mais elle bute sur de profondes divisions entre les 27 Etats membres de l’UE. Cette réforme constitue l’un des principaux dossiers de la présidence française, qui a débuté le 1er janvier. Le Haut Commissariat des nations unies pour les réfugiés (UNHCR) voit dans ce futur Pacte européen sur la migration et l’asile une « chance de passer d’une approche ad hoc et dictée par la crise à une approche commune plus globale, bien gérée et prévisible ». En théorie, tout le monde est d’accord, mais qu’en sera-t-il en pratique ? Avec ces recommandations s’adressant aussi bien à la présidence française qu’à la présidence tchèque de l’UE, le message semble déjà clair, et réaliste : les six premiers mois de l’année 2022 ne seront certainement pas suffisants pour trouver un terrain d’entente sur le sujet.