Néologismes : ce « nouveau tchèque » du temps du coronavirus
Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague International ! Ne serait-ce que l’espace de quelques mois, le coronavirus – ou la « Covid-19 » (au féminin, comme l’a récemment recommandé l’Académie française) - a chamboulé la vie quotidienne de nombre de gens, et pas seulement de ceux qui en ont souffert. Même si cela est plus anecdotique, il est aussi à l’origine de la création de beaucoup de néologismes qui, pour la très grande majorité d’entre eux, n’appartiennent qu’au langage familier, au langage de la rue, à ce que l’on désigne aussi comme le « dictionnaire urbain », voire au domaine de l’argot. C’est ainsi qu’en l’espace d’un peu plus de deux mois, la langue tchèque s’est considérablement enrichie avec donc, effets du printemps aidant peut-être, la floraison d’une multitude de nouveaux mots. Nous avons retenu quelques-uns des plus intéressants et amusants d’entre eux.
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Et il faut bien reconnaître qu’au plus fort de la crise, en mars et avril, on n’a pratiquement plus vu personne « à découvert » dans les rues, les transports en commun, les commerces et plus généralement dans l’espace public à Prague comme en province, comprenez sans un masque sur la bouche et le nez. Plus tard, le Premier ministre Andrej Babiš a même parlé de la Tchéquie comme d’une « roušková velmoc » - « une puissance du masque » ! Une telle puissance que, fin mars, dans un tweet, il a conseillé au président américain Donald Trump de rendre obligatoire le port du masque aux Etats-Unis pour enrayer la propagation du nouveau coronavirus. On n’a toutefois jamais su ce que le locataire de la Maison-Blanche lui a répondu...
Autre mot très amusant, que nous avons déjà évoqué au début de la crise dans notre rubrique « La photo de la semaine » : le « rouškovník », littéralement un « masquier », un curieux arbre sur les branches duquel poussent... des masques ! En réalité, il s’agit d’un arbre sur les branches duquel pendent des masques mis à disposition des passants par des volontaires qui ont des « petites mains tchèques dorées ».
Arrêtons-nous d’ailleurs un instant quand même sur ces « zlaté české ručičky », un proverbe relativement ancien qui évoque l’habilité dans le travail manuel et le bricolage, une certaine forme de débrouillardise mêlée au talent, et la capacité qu’ont finalement les Tchèques à produire et à construire de leurs propres mains. Ce proverbe valait surtout au temps du régime communiste, lorsque les gens ne trouvaient pas ce dont ils avaient besoin dans les commerces et devaient donc faire appel à leur imagination, à leur ingéniosité et à leur savoir-faire, et donc se servir de leurs propres mains pour fabriquer eux-mêmes ce qui leur manquait. Et cela valait, entre autres, tout particulièrement pour la couture lorsque les femmes tchécoslovaques ne trouvaient nulle part les modèles qu’elles voyaient dans les (rares) magazines de mode. Du coup, elles se débrouillaient pour obtenir ce dont elles avaient envie, comme elles se sont débrouillées pour coudre les masques.
Pour en revenir à notre Covid-19, mentionnons tout d’abord un néologisme qui a franchi les frontières en faisant allègrement abstraction de celles-ci. Il s’agit du mot « covidiot ». Un mot-valise parfaitement explicite qui désigne celui qui n’a pas saisi la gravité de la situation et le prouve par sa simplicité d’esprit. Celui qui ne respecte pas les distances de sécurité ou, bien sûr en République tchèque, ne porte pas de masque et ne respecte donc ni les règles de santé publique liées au Covid-19, ni autrui. Bref, un idiot...Si l’on s’en tient au dictonnaire en ligne Čeština 2.0. – « Le tchèque 2.0. » (cf. : https://www.radio.cz/fr/rubrique/faits/-le-tcheque-20-le-dictionnaire-participatif-des-neologismes) -, le premier néologisme qui est apparu dans la langue tchèque en lien avec le coronavirus a été « skoronavirus », qu’il faudrait couper en trois parties « skoro na virus » pour mieux comprendre, ce qui en français nous donnerait quelque chose comme « presque le virus ». En tchèque, on remarque bien évidemment la ressemblance de forme entre « koronavirus » (oui, avec un « k ») et « skoronavirus », un terme qui est donc apparu vers la fin du mois de janvier et qui désignait alors une forte grippe – « chřipka ». Mais puisque la majorité des gens ne savaient pas alors encore très bien ce qu’était le coronavirus, quels en sont ses symptômes (rappelons que les trois premiers cas de contamination en République tchèque ont été annoncés le 1er mars), certains se demandaient donc parfois si leur sale grippe n’était pas, à tout hasard, le « coronatrucmachin »...
Ou, moins politiquement correct, s’ils n’avaient pas « choppé » la « čínská chřipka » - « la grippe chinoise ». Ici, pas besoin de dessin...
Autre néologisme apparu ce printemps suite à la fermeture des écoles et à la mise en quarantaine – « karanténa » - ou au confinement de l’essentiel du pays : « haranténa ». Comme pour « covidiot » et « skoronavirus », il s’agit là-aussi d’un mot-valise qui doit sa création et son succès à sa forte ressemblance avec « karanténa », mais dont la racine est composée du mot « harant », qui désigne un môme ou un mioche. Un néologisme inventé bien entendu par leurs parents fatigués d’avoir les gamins à la maison à longueur de jours...Ces néologismes étant si nombreux et la place nous manquant, nous reviendrons très prochainement sur le sujet, à savoir ce « nouveau tchèque au temps du coronavirus ». Dès la semaine prochaine d’ailleurs car le processus de déconfinement continue de bien avancer en République tchèque et, qui sait, le « koronavirus » ne sera peut-être bientôt plus qu’un mauvais souvenir. En attendant, portez-vous du mieux possible autant que faire se peut – mějte se co nejlíp!, portez plus que jamais le soleil en vous – slunce v duši, salut et à bientôt – zatím ahoj !