Les chants de Noël tchèques
Alain Slivinsky a le plaisir de vous retrouver à l'écoute de cette émission de Noël. Nous l'avons consacrée aux chants de Noël, un peu d'histoire et surtout de la musique et ces chants si particuliers.
Comme vous avez pu l'entendre, dans ce chant de Noël, on entend souvent le mot « koleda ». Qu'est-ce que cela veut dire « koleda ». En fait cela posséderait deux significations : tout d'abord ce sont les cantiques de Noël, des pastorales, mais justement pas seulement ceux-ci. On pourrait dire que ce sont les chants des étrennes, car il existe des chants, des « koledy », en tchèque, que l'on chante quand on va aux étrennes, que ce soit à Noël, à la Saint Etienne, au Jour de l'An ou aux Trois rois... D'où est venu ce mot que chaque Tchèque pourra vous décrire, mais aura bien du mal à vous expliquer l'origine ? Il semble que le mot koleda ait été une interprétation du mot latin calendae. Calendae, c'était le nom des premiers jours du mois de janvier, quand on fêtait le solstice d'hiver. Ce serait donc proche des saturnalies célébrées en l'honneur du dieu Saturne.
On reviendrait un peu aux rites païens, mais transformés sous l'ère chrétienne. Les chants de Noël seraient donc la continuation des chants des fêtes païennes, les saturnalies. Au début, on les chantait en latin, la langue de l'église chrétienne, pour les chanter en langue populaire plus tard, car le latin n'était pas de l'ouie des simples pêcheurs, dans les temps anciens... On retrouve cette origine païenne dans la coutume des étrennes qui étaient accompagnées par ces chants. Avant l'ère chrétienne même, les prêtres païens, tous les premiers jours du mois, faisaient le tour des foyers avec les symboles de leurs croyances, selon les pays, et recevaient des cadeaux. Les prêtres de l'ère chrétienne continuèrent dans cette tradition, donnaient leur bénédiction aux foyers et recevaient des « étrennes ». En fait le mot calendae, en tchèque kalendy, s'est transformé, au fil du temps, en « koleda ». Intéressant de découvrir que le mot koleda, en slave ancien, pouvait signifier le jour du Nouvel An. Dans les Balkans, kalendy était l'appellation des fêtes du solstice d'hiver, accompagnées de cortèges et de chants. Encore plus intéressant d'apprendre que dans le sud de la France, en Provence, Noël s'appelait Calendo. En Angleterre, les chants de Noël s'appellent Carols. Assez parlé, écoutons plutôt l'un de ces chants de Noël, qui me rendent, toujours, un peu mélancolique, je ne sais pourquoi.
Je parlais des Carols anglais, et je suis donc obligé de mentionner que les Anglais ne sauraient se représenter un Noël sans le chant intitulé Good King Wenceslas, ce qui signifie Le bon roi Venceslas. Vous penserez certainement tout de suite que cela a quelque chose à voir avec la Tchéquie, disons plutôt la Bohême de jadis. Vous aurez raison, car le roi Venceslas, dont la statue équestre se dresse sur la place Venceslas, l'une des plus connues dans le centre de Prague, est le patron de la Tchéquie. Comment se fait-il qu'on le vénère dans un chant de Noël anglais ? Le chant est relativement récent, puisqu'il a été publié au XVIIe siècle. Aujourd'hui encore, on peut l'entendre à la Saint Etienne dans les quartiers ouvriers de Manchester ou Liverpool, dans les quartiers riches de Londres, sous les porches des églises, dans les grandes villes aussi bien que dans les petites communes perdues dans la campagne anglaise. Mais pourquoi Venceslas ? Grâce à la légende sur saint Venceslas, de John Mason Neal, une légende sur un bon roi, connue des Anglais déjà au Moyen-Age. En effet, la fille du bon roi Venceslas, Anne, avait épousé le roi des Anglais, Richard II. Le chant de Noël raconte donc la légende du roi de Bohême, Venceslas, sur une charmante musique de Thomas Helmor, ne pouvant manquer à aucun Noël anglais, son pudding ou sa dinde farcie.
Sautons un peu l'histoire des chants de Noël allemand, avec Stille Nacht, Douce nuite, sainte nuit, connue dans le monde entier, pour revenir en Tchéquie, en Moravie et Silésie. Je cite intentionnellement les noms des trois provinces qui forment la République tchèque, car chacune d'elles, à part les chants de Noël classiques, possède ses propres chants régionaux, souvent même chantés en patois. En Tchéquie, la contume des chants de Noël remonte encore avant la période des guerres hussites. Il y a plus d'un millénaire et demi, les Tchèques chantaient un chant de Noël dont le titre pourrait être traduit ainsi : « Oh là, oh là, au beau milieu de la cour se dresse un beau chêne ». Tiens, tiens, on revient un peu dans la tradition païenne, avec les arbres et les symboles de la nature...Pourtant, le chant de Noël le plus connu est certainement celui qui chante la naissance de Jésus, Narodil se Kristus pan. Il n'est pas beaucoup plus jeune que le précédent et à été composé sur la base d'un chant liturgique Ave hierarchie coelestis. En fait, on pourrait dire que plutôt qu'un chant de Noël, c'est un cantique. Pendant les fêtes de la Nativité, il retentit partout, à la radio, à la télévision, dans les rues, dans les églises, dans les foyers, à la campagne comme à la ville, partout... donc aussi sur Radio Prague.
Il faut dire qu'aller aux étrennes, donc aussi chanter les chants de Noël, c'était surtout la coutume des prêtres, des clercs, des moines qui, en vérité faisaient la quête. Les bénéfices de celle-ci étaient, ensuite, distribués aux plus démunis. Les religieux n'avaient souvent pas la tâche facile. On leur recommandait, des plus hauts lieux de l'église, de ne pas porter d'habits riches, de ne pas mettre en évidence leur éventuelle opulence, de ne pas employer trop de « perles, ou bijoux autres ». Pourtant, le simple peuple aimait bien les cortèges des religieux, que ce soit à la Saint Nicolas, à Noël, à la Saint Etienne, ou même à l'épiphanie, aux Trois rois. Les dons que faisaient les simples gens pouvaient être bien différents, selon les villes, les villages, les régions. En Moravie du nord, dans la région de la Valachie, il était de coutume d'offrir du fromage de brebis, des noix, des fruits secs, des champignons séchés. En ville, c'était de l'argent chez les plus riches, de quoi manger, des vêtements, des produits de première utilité chez les plus pauvres. La coutume, ou plutôt les offrandes des étrennes ont changé, les chants des étrennes, ou de Noël, se sont conservés. En voici un de Moravie
Comme nous parlions des régions, il serait certainement bon de nous faire entendre des « koledy » - donc des chants de Noël des autres régions de la République tchèque. Comme il me semble qu'il y a toujours eu, dans tous les pays, une certaine différence entre les pays des plaines et ceux des montagnes, je vous propose tout de suite un chant de Noël des pays des montagnes. Il se chante dans la région des Monts des Géants, les plus hautes montagnes de Tchéquie.
Revenons de la montagne pas tout à fait à la plaine, avec la région de la Bohême du sud, connue surtout pour ses étangs, ses collines, mais aussi la Sumava, par exemple, un paradis pour les amateurs de la nature presque vierge. Une région de sombres et profondes forêts, de calme et de tranquillité. Un coin idéal pour se reposer, aussi bien en été qu'en hiver, car des terrains de ski, il y en a, à condition que la neige soit présente, naturellement ! C'est aussi un paradis pour les amateurs de champignons. Ceux-ci faisaient aussi partie des étrennes. Et que chante-t-on en Bohême du sud, à Noël ?
Du présent, revenons dans le passé, un passé lointain, le Moyen-Age. On est sous le règne d'un des plus grands rois de Bohême, Charles IV... Hé bien ! Apprenez qu'en ce temps-là, l'archevêque de Prague et les hauts fonctionnaires du clergé bénéficiaient d'un revenu fixe sur les étrennes ! En plus de cela, l'archevêque de Prague était tenu de payer les religieux qui venaient aux étrennes et chantaient devant lui... naturellement selon leur fonction : les prélats recevaient quatre deniers, alors que les vicaires deux, les enfants de choeur 2 sous seulement. En ce temps-là, tout le monde allait aux étrennes et, tenez-vous bien... même les prostitués. La profession la plus vieille du monde fut bânie des étrennes par un édit de 1390, interdisant aux filles de joie de participer à la célébration publique des fêtes de la Nativité. Pourtant, elles devaient avoir de belles voix, comme celles-ci, par exemple.
Sous le règne de Charles IV, les chants de Noël étaient plutôt l'affaire des religieux. Les étrennes étaient une sorte de procession, avec la participation des prêtres et de leurs élèves. Le chant de ces derniers avaient une certaine renommée. Pourtant, le chant liturgique était dominé par le chant populaire, les cantiques de Noël se tranformaient, peu à peu, en chant de Noël, le tchèque prennait la place du latin... Il parraît que le grand réformateur tchèque, Jan Hus, allait aussi chanter dans les rues pour la Noël, il faisait aussi la quête dans les rues de Prague. Selon la tradition, le bénéfice de la quête allait aux étudiants des terminales et aux supérieurs. Jan Hus attendait, comme tout le monde, sa part avec la plus grande simplicité. Que chantait-on au temps de Jan Hus ? Peut-être le chant que je vous propose maintenant.
Revenons au présent, après cette courte excursion dans l'histoire et le sombre Moyen-Age. Les koledy, les chants de Noël, sont toujours populaires en Tchéquie, comme nous l'avons déjà dit. Radio Prague ne fait pas exception et, pour la deuxième année, une chorale bénévole des rédacteurs de Radio Prague a réalisé un enregistrement de chants de Noël. On dit que tous les Tchèques sont des musiciens, ils ne sont pas tous des chanteurs et vous ne pourrez pas entendre tous les employés de Radio Prague, dans l'enregistrement suivant de ce qu'on peut aussi appeler les « pastorales » tchèques. Pour votre information, le directeur de Radio Prague et la charmante directrice des émissions en français sont aussi présents dans cette chorale. A vous de découvrir leurs voix. Un dernier chant de Noël donc, pour clôturer l'émission de Noël de Radio Prague....
Ce sont les rédacteurs de Radio Prague qui prennent congé de vous avec ce chant de la Nativité en vous invitant à l'écoute de toutes les émissions futures de la station.