La victoire des libéraux polonais vue de Prague : entre enthousiasme et prudence
Tour d'horizon des réactions en République tchèque, dans la presse et dans le monde politique, suite à la victoire du parti libéral et europhile du voisin polonais lors des élections législatives anticipées de ce week-end.
Pourtant, dans les rangs même du Parti civique démocrate tchèque, dont est issu Vaclav Klaus, les réactions ont été bien plus chaudes : le Premier ministre Mirek Topolanek a félicité le vainqueur, Donald Tusk, et a noté que « l'élimination des extrémistes peut être d'ores et déjà considérée comme une grande victoire de la démocratie polonaise. » Une déclaration qui va d'ailleurs dans le sens de celle de l'ancien président tchèque, Vaclav Havel, qui s'est immédiatement félicité de cette alternative « plus raisonnable, une très bonne nouvelle pour l'Europe », a-t-il tenu à souligner.
Si elle se réjouit, la presse tchèque reste toutefois sur ses gardes et met un bémol à ce concert de louanges. Comme le précise Tomas Nemecek dans son commentaire pour le quotidien économique Hospodarske noviny, l' « ère des Kaczynski n'est pas finie ». Et il reste prudent sur le terme de « participation record » : « 53,8% : partout ailleurs en Europe centrale, on parlerait d'une honteuse apathie », écrit-il.
Une participation record depuis 1991, relative donc, et qui est sans doute le résultat d'une campagne très dure, d'après le politologue tchèque Borivoj Hnizdo qui est intervenu sur la chaîne de la Télévision tchèque, CT 24. Dans la même émission, le journaliste Maciej Ruczaj a également précisé qu'il ne fallait pas s'attendre non plus à une révolution :
« On attend bien entendu des changements, mais je dirais que ce sera plutôt un changement de style de direction que dans le contenu. La Plate-forme civique essayera aussi de faire prévaloir les intérêts nationaux de la Pologne. Elle va se distinguer dans la manière de mener sa politique diplomatique, ce qui était le gros problème avec le parti Droit et Justice des frères Kaczynski. Non pas que celle-ci ait eu des exigences si exagérées, mais elle n'arrivait surtout pas à les articuler. »De même, l'historien de la Pologne, Tomas Knoz, interrogé par l'agence CTK, met en garde : si Donald Tusk est désigné comme libéral, ce terme n'a pas la même acception qu'en République tchèque. Ainsi le chef de file de la Plate-forme civique est hostile à la légalisation de l'avortement, tout comme le sont les conservateurs.
Les observateurs tchèques s'accordent surtout pour voir dans cette victoire un tournant dans les relations de la Pologne avec Bruxelles, et aussi avec le voisin allemand avec lequel, comme pour la République tchèque, les relations sont jusqu'à aujourd'hui empoisonnées par des problèmes issus de la Seconde Guerre mondiale.