Dans les coulisses des médias

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Jusqu'à la fin mars se tient, au Musée national de Prague, une exposition sur le passé et le présent des médias tchèques. Intitulée « L'âge d'or des médias », elle a été mise sur pied par le Centre des études médiatiques de l'Université Charles, l'unique institution tchèque spécialisée en la matière. Je vous propose de la visiter....

L'exposition est divisée en trois volets. Ce qui frappe aux yeux, dans la salle d'entrée, c'est un panneau où sont affichées les informations toutes fraîches, publiées par l'agence de presse tchèque, la CTK. Ensuite, cette première salle montre à quel point les médias sont devenus indissociables de notre vie quotidienne : on se retrouve successivement dans un salon de coiffure où l'on est obligé, qu'on le veuille ou non, d'écouter telle ou telle station de radio commerciale, puis dans un appartement, dans un café Internet, et dans un bistro, où l'on est convié à suivre, à la télé, un match de hockey sur glace. Jan Jirak, du Centre des études médiatiques :

« C'est la toute première fois qu'une telle exposition est organisée en République tchèque, à la différence des autres pays, de l'Allemagne, de la France ou des Etats-Unis, dans lesquels il existe mêmes des musées spécialisés dans les médias. Moi-même, je me consacre depuis longtemps à l'éducation médiatique. J'ai été parmi ceux qui ont initié l'enseignement de cette matière dans les écoles tchèques. Je pense que cette exposition qui popularise la problématique des médias et montre un peu comment vivre avec eux, est aussi une des formes de cette éducation. »

En effet, en vous baladant, le matin surtout, dans l'exposition, vous n'aurez pas de mal à y trouver des cohortes de jeunes. Ils sont impressionnés, surtout par la possibilité de se transformer, au moins pour quelques minutes, en présentateurs du journal télévisé ou de la météo.

A côté des studios de télévision virtuels est installée une rédaction fictive de la radio et d'un grand quotidien tchèque. Couper un son à l'ordinateur ? Photographier soi-même, puis placer son portrait à la une d'un journal national ? Ici, tout est possible et les ados se régalent... Filip Sochor est un lycéen de Pisek, en Bohême du Sud :

« J'aime beaucoup cette exposition... De toutes les expos que j'ai vues au Musée national, c'est la meilleure. Ce qui me plaît le plus, c'est ce studio de télévision. Ca me donne envie de travailler, un jour, comme journaliste. Oui, ça me dirait bien. Pour l'instant, je regarde beaucoup la télé et j'écoute la radio. Mais je ne lis pas beaucoup, à part les magazines, peut-être. »

Jana, future institutrice :

« Ce que je trouve le plus intéressant ici, c'est le journalisme de télévision, parce qu'on peut vraiment l'essayer. La place des médias dans ma vie ? Eh bien, je lis surtout les magazines... Je regarde aussi la télé et parfois, j'écoute la radio... Donc je dirais que je suis à peu près tout. »

Une autre partie de l'exposition retrace, par l'intermédiaire de sons, d'images, de photographies, d'objets d'époque et de textes, la vie des mass-médias tchèques et de leurs visages emblématiques, à différentes périodes: on revit ainsi le boom de la presse écrite à partir de 1860 et jusqu'à la Première guerre mondiale, la naissance du reportage sportif à la radio, l'époque des grandes personnalités du journalisme de l'entre-deux-guerres, la période de la censure et de la propagande communistes, marquée aussi, ne l'oublions pas, par les exploits d'une pléiade de très bons journalistes. On termine avec l'actualité brûlante, celle des médias post-communistes, cherchant tant bien que mal leur place. Ainsi, « L'âge d'or des médias » au Musée national, a pour ambition de susciter une réflexion sur le rôle des médias dans la société, hier et aujourd'hui, et, évidemment, sur leur place dans nos vies.

Dans cette salle, je rencontre deux amis retraités. Pour eux, cet historique n'est qu'un voyage dans le temps, leur permettant de retrouver les reliques bien connues du passé. Aujourd'hui, ils exigent de la part des médias bien plus que du temps de leur jeunesse :

« Ils devraient informer de manière objective, sans manipuler la réalité ou tirer des choses de leur contexte, comme ils le font souvent. Et puis, pour parler des faits concrets et actuels, cela ne nous plaît pas que les chaînes de télévision nous servent toutes ces émissions de reality-shows, au lieu de diffuser plus de documentaires par exemple. Ici, les gens ne sont pas habitués à ce genre d'émission qui copient les modèles occidentaux. Je pense qu'il y en a beaucoup qui n'aiment pas ça. »

On en revient à l'éducation médiatique qui, selon Jan Jirak, devrait apprendre aux jeunes, mais pas seulement à eux, comment se servir des médias sans céder à leur emprise. Précisons que dans certaines des écoles tchèques, l'éducation médiatique est proposée aux élèves comme matière en option, mais qu'elle figure dans le nouveau programme d'enseignement préparé par le ministère de l'Education.

Seize ans après la chute du communisme, la vie des médias tchèques est bouillonnante et surprenante, même pour ceux qui sont « dedans ». Jan Jirak, comme beaucoup d'autres, s'interroge notamment sur leur originalité... Existe-t-elle à l'heure où la majorité des émissions télévisées sont des clones des formules qui fonctionnent à l'étranger ? A l'heure où les revues ne sont que des copies conformes, version tchèque, des grands titres internationaux ? A quelques exceptions près, bien sûr... Dans la République tchèque post-communiste peut-être plus qu'ailleurs, l'argent est le roi dans le domaine médiatique ; le nombre d'exemplaires vendus, le taux d'audience sont des critères majeurs. Pourquoi alors est-on étonné par l'absence d'un vrai quotidien de référence du type Le Monde qui, paraît-il, serait invendable ? Pourquoi a-t-on du mal à accepter la disparition des émissions en tchèque de la BBC, réputées pour leur qualité et la fiabilité de l'information diffusée ? Dans ce contexte, « L'âge d'or des médias » n'est-il pas un titre quelque peu ironique ? Jan Jirak :

« J'espère que oui ! Mais je pense que les médias vivent, en effet, leur âge d'or. Sinon les médias, en tout cas leurs propriétaires. Jamais, les médias n'ont attiré autant d'attention, jamais auparavant, ils n'ont occupé autant l'espace public. Jamais, ils n'ont joué un rôle aussi important dans la vie de la société. Bref, les médias vivent sans doute leur âge d'or... Je ne sais pas si c'est un âge d'or pour nous. »

Ajoutons que le quotidien Hospodarske noviny, un des partenaires de l'exposition, a publié à l'occasion de sa tenue un supplément spécial, distribué gratuitement à tous les visiteurs intéressés. Les journalistes et spécialistes en la matière y reprennent et abordent de manière détaillée les grands thèmes de l'exposition : les médias et la politique, les médias et la publicité, l'histoire de la presse à sensation, le chemin parcouru depuis les premières presses à imprimer jusqu'à la numérisation, le danger que représente l'Internet pour les journaux classiques, le métier du journaliste dans les pays tchèques...

En marge de l'exposition, le Musée national organise une série de manifestations et de conférences sur le sujet. Par exemple, le 6 février prochain, les meilleurs exploits journalistiques de l'année passée y seront récompensés par le Prix Ferdinand Peroutka. La cérémonie aura lieu dans le Panthéon du Musée. Plus de détails sur tous les événements sur www.nm.cz. Enfin, une quatrième partie de l'exposition « L'âge d'or des médias », axée sur la science et l'art, sera ouverte en février.

Auteur: Magdalena Segertová
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