Droits LGBT+ : les déclarations choquantes d’un président Zeman « bête et méchant »
Dans un entretien télévisé, dimanche dernier, le président tchèque a déclaré que les personnes transgenres étaient « profondèment dégoûtantes ». Quelques jours après que le Premier ministre Andrej Babiš a refusé de dénoncer, contrairement à la majorité des dirigeants européens, la loi contre l’homosexualité adoptée par la Hongrie, les déclarations de Miloš Zeman, jugées majoritairement scandaleuses, ont suscité de nombreuses réactions en République tchèque.
Dimanche soir, peu après la victoire de la République tchèque aux dépens des Pays-Bas à Budapest en huitièmes de finale du championnat d’Europe de football, le drapeau tchèque a flotté sur la façade du Parlement hongrois. Bien évidemment, pour le pays hôte, il s’agissait d’exprimer son soutien à un partenaire au sein du groupe de Visegrád.
Mais à Prague, certains esprits taquins n’ont pas manqué d’effectuer le rapprochement avec les déclarations faites quelques heures plus tôt, sur CNN Prima News - la chaîne d’information en continu de CNN en République tchèque - par Miloš Zeman, qui avait été invité à réagir à l’adoption en Hongrie, quelques jours plus tôt, de la loi interdisant la représentation de l’homosexualité auprès des mineurs :
« Je peux comprendre les homosexuels, les lesbiennes et ainsi de suite. Mais savez-vous qui je ne comprends pas du tout ? Ce sont ces transgenres… Parce que si vous vous faites opérer pour changer de sexe, alors vous commettez un délit d’autodestruction. Chaque opération est un risque et ces transgenres sont pour moi profondément dégoûtants. »
Mais si Miloš Zeman ne comprend donc pas ce qu'il ne veut (ou ne peut) pas comprendre, les médias tchèques, eux, ne comprennent pas davantage un président qui, lors de sa première élection en 2013, avait pourtant affirmé, comme le rappelle l’hebdomadaire Reflex, qu’il serait « le président des dix millions de citoyens d’en bas qui ne sont pas privilégiés ».
Leur critique prend même souvent une tournure très virulente ces deux derniers jours, comme dans le quotidien en ligne Forum 24 qui titre que « Zeman est un pauvre type ».
Invitée de la Télévision tchèque lundi soir, la sexuologue et psychothérapeute Hana Fifková a réagi en des termes plus mesurés mais tout aussi tranchants :
« J’ai d’abord pensé que cette déclaration était incroyablement bête et méchante. Quand ont ne sait pas de quoi on parle, mieux vaut se taire. La majorité des gens qui ont un jour été confrontés à la transsexualité savent que c’est une complication naturelle grave. On ne choisit pas d’être transsexuel et personne n’a idée de la vie souvent très difficile que ces gens mènent. C’est donc une déclaration stupide et je ne veux même pas réfléchir pour savoir d’où provient cette haine personnelle. »
Dès dimanche, dans les minutes qui ont suivi la diffusion de l’interview de Miloš Zeman, qui s’est dit aussi « agacé par les suffragettes, #MeToo et la Prague Pride » sans s’embarasser d’une quelconque distinction entre les différents sujets, de nombreux responsables politiques ont réagi pour exprimer leur désapprobation et rejeter le discours haineux du chef de l’Etat.
Des propos largement repris par les médias étrangers et que le quotidien Hospodářské noviny a qualifiés de « répugnants », lundi, estimant que le président avait touché le fond.
Bien que par exemple l’adoption de la loi sur le mariage pour tous ait une nouvelle fois été remise aux calendes grecques en avril dernier, la République tchèque est généralement considérée comme un pays parmi les plus libéraux en Europe centrale. Entre autres raisons parce que la place de la religion - notamment en Bohême - y est nettement moindre qu’en Pologne, en Hongrie ou en Slovaquie.
C’est pourquoi plusieurs voix critiques se sont élevées, en fin de semaine dernière, suite au refus du Premier ministre de se joindre à l’appel au respect des valeurs européennes lancé par les dirigeants de dix-sept pays membres de l’Union européenne à Viktor Orbán, accusé de violer les règles européennes contre la discrimation et de stigmatiser les personnes homosexuelles. Andrej Babiš, qui avant le sommet européen avait déclaré qu’il convenait « d’écouter les arguments » de son homologue hongrois, a finalement préféré ne pas apposer sa signature au bas de la lettre adressée à la Commission européenne.
Pour justifier sa position, le chef du gouvernement tchèque a expliqué qu’il attendait de « disposer de plus d’informations » pour se faire un meilleur avis sur la question et que la manière d’envisager la loi hongroise était une question « d’interprétation ». Une politique de l’autriche en quelque sorte que le quotidien indépendant Deník N a, lui, interprété comme un aveu que la République tchèque était désormais « en matière des droits de l’homme, un pays sans valeurs aux yeux du monde ».