Avec des Ukrainiens pour l’Ukraine, la Tchéquie va intensifier sa production d’armes
La République tchèque s’apprête à accueillir des milliers d’ouvriers et experts hautement qualifiés ukrainiens qui seront employés dans ses sociétés d’armement. Fruit de la réunion en octobre à Kiev entre le Premier ministre Petr Fiala et le président Volodymyr Zelensky, cette intensification de la production doit permettre d’aider davantage encore l’Ukraine dans sa guerre contre la Russie.
Après qu’Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky se sont entretenus par téléphone dimanche, deux conférences organisées à leur initiative se tiendront à Paris ce mardi. Tandis que la première, la conférence « Solidaires du peuple ukrainien », réunira les soutiens internationaux de l’Ukraine pour répondre concrètement et à court-terme à ses besoins urgents pour passer l’hiver, la seconde, la « conférence franco-ukrainienne pour la résilience et la reconstruction », réunira près de 500 entreprises françaises pour répondre aux besoins critiques de l’Ukraine, contribuer à la reconstruction du pays, et investir sur le long terme dans le potentiel de l’économie ukrainienne.
La reconstruction et la transformation de l’Ukraine, le gouvernement tchèque en a lui aussi fait une de ses priorités pour les prochaines années dans le cadre de son action à l’international et de sa diplomatie économique. Mais avant de songer plus en détail à toutes les opportunités qui s’offriront aux entreprises à l’avenir, il y a d’abord, aux yeux de l’Ukraine et de la République tchèque, une guerre à gagner. Comment ? Et avec quels moyens ? C’est, entre autres, pour répondre à ces deux questions qu’un conseil des ministres conjoint des gouvernements ukrainien et tchèque s’est tenu à Kiev le 31 octobre.
C’est parallèlement à cette réunion informelle dans la capitale ukrainienne que l’accord entre Petr Fiala et Volodymyr Zelensky s’est concrétisé. Les deux parties se sont entendues pour renforcer leur coopération dans le domaine de l’industrie de la défense, concrètement, donc, en mettant les moyens en œuvre pour produire davantage d’armes en République tchèque.
Dans un entretien accordé à la Radio tchèque, le vice-ministre de la Défense, Tomáš Kopečný, a précisé que cette mise en commun des intérêts tchèques et ukrainiens sur différents projets, entre autres de réparation et de modernisation des équipements lourds de combat, concernera plusieurs milliers d’employés :
« Nous aurons besoin d’une importante main-d’œuvre pour la production en tant que telle comme au niveau de l’ingénierie. Ce n’est pas là quelque chose que l’on trouve d’un claquement de doigts dans la rue, car ce sont des domaines de compétences extrêmement spécialisés. Cela tombe bien : l’Ukraine possède une vaste expérience dans l’industrie de la défense et y excelle même plus généralement. »
Association de sociétés spécialisées dans divers secteurs de l’industrie de la défense ukrainienne, Ukroboronprom, entreprise d’État, emploie ainsi plus de 100 000 personnes. Inversement, en République tchèque, où le taux de chômage reste un des plus faibles en Europe, nombre d’entreprises se plaignent de la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. C’est le cas, par exemple, selon le vice-ministre, de la société Tatra, filiale de Czechoslovak Group, qui aurait besoin actuellement de quelque 500 employés supplémentaires. Parallèlement, la production en République tchèque doit permettre aux experts ukrainiens de travailler dans un environnement plus sûr.
Responsable des livraisons d’équipements et de munitions tchèques à l’Ukraine depuis le début de l’invasion russe, jusqu’à présent pour un montant total d’un peu plus de 40 milliards de couronnes (165 millions d’euros), Tomáš Kopečný assure que le gouvernement est prêt à justifier sa position auprès des Tchèques qui pourraient voir d’un mauvais œil l’arrivée de ces nouveaux travailleurs ukrainiens dans les prochaines semaines ou prochains mois :
« Hormis pour des raisons purement idéologiques, je ne vois pas d’argument contre, car cela ne privera pas les Tchèques d’emplois. Au contraire, cette coopération augmentera considérablement les recettes du budget de l’État. Le pays sera plus riche, les entreprises seront plus riches, les employés seront rémunérés et ils seront aussi plus riches. Sans même compter les retombées positives secondaires qu’entraînera toute cette nouvelle activité, car chaque euro ou dollar investi apportera X couronnes supplémentaires à notre économie. »
Cette production d’armes sera en effet également financée par différents pays partenaires de l’OTAN, l’objectif, au-delà de satisfaire les besoins de l’Ukraine, étant aussi de renforcer la capacité de défense de l’Alliance dans la région. Selon Tomáš Kopečný, il s’agit donc bien d’un accord gagnant-gagnant entre les trois parties concernées :
« N’importe qui peut être l’objet d'une attaque terroriste russe. C’est une pratique que la Fédération de Russie applique dans de nombreux pays européens. Quand la Russie a attaqué Vrbětice, rien n’était produit en République tchèque pour l’Ukraine, donc, de ce point de vue-là, le fait que nous approfondissions notre coopération avec l’Ukraine n’a pas vraiment d’importance. Renforcer les capacités de production de l’industrie de défense nationale signifie renforcer la sécurité de la République tchèque, et ce avec l’argent des alliés. Il s’agit pour nous d’une opportunité historique tout à fait incroyable. »
Tomáš Kopečný rappelle également que des ressortissants ukrainiens travaillaient déjà dans l’industrie tchèque, et plus particulièrement dans le secteur de la défense, bien avant que la Russie n'envahisse l’Ukraine en février dernier et que la République tchèque, quant à elle, soutient activement l’Ukraine depuis déjà 2015, suite à la première agression russe.