Presse : Petr Fiala à Kyiv, un moment de fierté pour les Tchèques

Petr Fiala

Le voyage du Premier ministre tchèque Petr Fiala à Kyiv a eu un grand retentissement dans les médias locaux. Cette nouvelle revue de la presse de la semaine écoulée en donne quelques exemples. Elle se penche ensuite sur d’autres aspects de la guerre en Ukraine en lien avec la Tchéquie.

Petr Fiala  (à gauche) à Kyiv | Photo : ČTK/AP Photo

Pour le commentateur du site aktualne.cz, le voyage de Petr Fiala et de ses homologues polonais Mateusz Morawiecki et slovène Janez Janša, ce mardi, à Kyiv représente pour la Tchéquie un moment de fierté. Tout en exprimant son soutien clair à l’Ukraine, ce déplacement donne à voir l’état des relations actuelles en Europe centrale.

« Evidemment, les Tchèques ne s’identifient pas avec la ‘révolution conservatrice’ en cours en Pologne. En outre, ils mènent avec leurs voisins polonais des débats houleux sur des problèmes d’ordre régional, en lien par exemple avec l’exploitation de la mine de Turów. D’un autre côté, s’agissant de l’architecture sécuritaire à la frontière entre l’Union européenne et l’OTAN, la Pologne représente un leader incontestable dans la région. Dans ce domaine, une coopération étroite est nécessaire, malgré des divergences de vues en matière de valeurs. »

Photo :  ČT24

« Dans cette histoire, la politique tchèque ou celle de l’Union européenne ne sont pas au premier plan, car c’est de l’Ukraine dont il s’agit », souligne à son tour un commentateur du journal Deník :

« Ce voyage a été un geste immense et un encouragement pour l’Ukraine qui lutte contre l’agression russe. Une preuve aussi de ce que Kyiv n’est pas complètement encerclée par les forces russes et de ce que les Ukrainiens ne sont pas seuls dans cette guerre. »

« Nouveau venu sur la scène politique européenne, Petr Fiala, s’est brillamment inscrit parmi les leaders mondiaux ». Un avis exprimé à ce propos par l’auteur d’une note publiée dans le journal Deník N :

Janez Janša,  Mateusz Morawiecki,  Jarosław Kaczyński et Petr Fiala | Photo :  Twitter de Mateusz Morawiecki

« La République vient de se tailler une réputation d’acteur mystérieux qui risque de menacer l’unité européenne par son comportement. A Bruxelles, en effet, ce voyage n’a pas été particulièrement applaudi. Toutefois, comparé à l’importance du geste, ce n’est qu’un faible prix à payer. Certes, les rencontres personnelles et les voyages sont des gestes de solidarité, mais ils créent également une sorte de bouclier au-dessus de l’Ukraine. Se distinguer au sein du courant européen modéré et servir d’exemple positif est une qualité qui manquait depuis longtemps à la Tchéquie. »

« Qui aurait cru que le Premier ministre tchèque allait rejoindre les rangs des principaux leaders du monde libre, qu’il allait être résolu et faire un grand geste qui dépasse tout ce dont la politique étrangère tchèque pouvait se vanter ? »Voilà ce que l’on peut lire dans un texte publié dans le journal en ligne Forum 24. Pour l’auteur, il s’agit d’un message inédit :

La guerre en Ukraine | Photo: Martin Dorazín,  ČRo

« On ne peut pas savoir comment la guerre en Ukraine va se terminer ou combien elle fera de victimes. On ne sait pas non plus si elle ne débouchera pas sur un conflit plus vaste encore. Une chose est pourtant certaine. C’est que la République tchèque affronte cette crise avec honneur et qu’elle se place clairement du côté de ses amis ukrainiens. Le mérite en revient en grande partie à Petr Fiala. »

Pour les Tchèques, une inspiration venue d’Ukraine

« Les Ukrainiens nous ont donné un merveilleux exemple. Ils ont fait de nous un peuple plus courageux, plus sûr de lui et moins craintif. » C’est du moins ce que prétend l’auteur d’une note publiée sur le site Seznam Zprávy :

Photo d'illustration : Pavel Novák,  ČRo

« Les réseaux sociaux tchèques qui regorgent d’ordinaire de débats et de commentaires agressifs, vulgaires et honteux, proposent une image assez sombre de la société. Un espoir a toutefois surgi là où l’on ne l’attendait pas : en Ukraine. La réaction des Tchèques à l’action perfide de Poutine a été fantastique. En l’espace de quelques jours, ils ont collecté des centaines de milions de couronnes destinés au pays sinistré, et ce, en dépit de la hausse des prix de l’énergie et de nombreuses autres commodités. Depuis, ils n’ont eu de cesse de proposer différentes formes d’aide et de soutien aux réfugiés ukrainiens. »

L’éditorialiste rappelle que durant les dernières décennies, les Tchèques avaient tendance à regarder les Ukrainiens d’un œil assez blasé. Le courage admirable dont ceux-ci font preuve actuellement a tout changé, et sert même d’inspiration :

La guerre en Ukraine | Photo : Ľubomír Smatana,  ČRo

« Les alternatives au dénouement du conflit actuel mises à part, il paraît désormais inimaginable qu’à l’avenir, les Tchèques se soumettent à une éventuelle agression du Kremlin les bras croisées. Les Ukrainiens nous ont offert un modèle à suivre. Et ce, même si cette vague de solidarité s’estompe avec le temps. »

L’autre lutte à mener  : les fake news

« Jusqu’à maintenant, nous résistons à Poutine, mais la campagne de désinformation est en train de démarrer ». Tel est le titre d’un article publié sur le site de l’hebdomadaire Respekt dans lequel son auteur observe :

Photo : Serhii Nuzhnenko,  ČTK/AP Photo

« Les capacités et la taille d’une armée ne constituent qu’une partie d’un conflit militaire. L’important, c’est aussi la façon dont il est communiqué et justifié vis-à-vis du reste du monde. Certes, dès le début de l’invasion russe en Ukraine, la donne s’annonçait claire : les soldats et les volontaires ukrainiens défendaient la souveraineté de leur pays et la vie de ses habitants. Toutefois, quand le nombre de gens prêts à accepter la ‘justification du Kremlin de l’opération va augmenter avec le temps, les pays démocratiques seront confrontés à de graves problèmes. »

« En dépit des apparences, la ‘cinquième colonne’ de Moscou commence à s’activer, par le biais de fake news, de mensonges et en propageant des messages haineux », explique le journaliste :

Photo d'illustration : Gerd Altmann,  Pixabay,  CC0 1.0 DEED

« Selon une enquête de l’agence Globsec, près de 30 % des Tchèques sont enclins à croire que les informations mensongères et les théories conspirationnistes sont authentiques, la moitié des personnes interrogées ne s’identifiant ni avec l’Est ni avec les pays occidentaux. La résistance des citoyens tchèques face à la propagande et les mensonges du Kremlin est faible. La Tchéquie et la Pologne restent néanmoins les pays les plus résistants de la région. »

Pour l’éditorialiste de Respekt, il existe ainsi à Vladimir Poutine un certain espoir que le temps et la faible résistance du monde face aux mensonges profitent, hélas, à sa justification de la guerre en Ukraine.

Les Russes vendent leurs appartements en Tchéquie

Karlovy Vary | Photo d'illustration : Kristýna Maková,  Praha křížem krážem

Pour ne pas être privés des appartements et des maisons qu’ils possèdent à Prague, à Karlovy Vary et ailleurs en Tchéquie, suite aux sanctions imposées ou envisagées par les pays occidentaux, les Russes aisés ont commencé à s’en débarrasser. C’est ce dont fait part une des récentes éditions du quotidien économique Hospodářské noviny :

« Les propriétaires russes vendent leurs biens immobiliers à des prix inférieurs à ceux habituels sur le marché. Un appartement pragois situé à une bonne adresse, par exemple, dont le prix varie autour de 12 millions et demie de couronnes se vend actuellement pour 11 millions. En réalisant la vente, les propriétaires russes ont en même temps l’opportunité d’obtenir les couronnes tchèques qui constituent une monnaie aujourd’hui plus stable que le rouble et qui, en plus, est convertible avec le dollar et l’euro. »

Karlovy Vary | Photo d'illustration : Kristýna Maková,  Praha křížem krážem

Le journal indique que c’est avec la crise financière, au début du millénaire, que l’intérêt russe pour l’immobilier en Tchéquie a atteint son apogée. Selon la plus grande société de développement locale, Central Group, environ 10 % des appartements qu’elle propose sont achetés par des clients russes. A l’heure actuelle, comme le confirme le journal, elle refuse de vendre ses appartements aux ressortissants russes et biélorusses qui ne condamnent pas l’invasion en Ukraine.

Le courage de Marina Ovsiannikova

Le journal Lidové noviny constate qu’on ne devrait pas faire une comparaison directe entre l’invasion russe en Ukraine et celle des troupes du Pacte de Varsovie en août 1968 en Tchécoslovaquie. Il met cependant en relief deux points communs entre les deux situations :

Marina Ovsiannikova  (à droite) | Photo :  Site officiel d’EBU

« Dans ce contexte, il faut évoquer notamment le récent geste de la journaliste russe Marina Ovsiannikova qui a fait irruption dans le journal télévisé du soir le plus suivi de Russie en brandissant un panneau exprimant sa condamnation de la guerre en Ukraine. Un acte courageux et admirablement intrépide. Cette voix solitaire de résistance évoque le souvenir de l’événement survenu le 25 août 1968 au cours duquel huit Russes courageux ont protesté sur la Place rouge contre l’occupation de la Tchécoslovaquie. »

L’article de Lidové noviny remarque en outre que tout comme dans l’ancienne Tchécoslovaquie, il y a 54 ans de cela, Moscou cherche à imposer en Ukraine une ‘normalisation’ à sa façon. « Le problème, c’est que pour l’instant, le pouvoir russe ne dispose pas de forces politiques pertinentes sur place pour arriver à ses fins », souligne-t-il.