Tchéquie-Ukraine : des liens historiques, économiques et humains

Manifestation contre l'agression russe, Prague

Alors que Prague s’est dite prête à accueillir des réfugiés ukrainiens fuyant l’invasion de leur pays par la Russie, retour sur les liens étroits qu’entretiennent la Tchéquie et l’Ukraine : des liens qui sont à la fois historiques, mais aussi économiques et humains puisque les ressortissants ukrainiens représentent la première minorité de Tchéquie.

Des Tchèques en Ukraine depuis plus d’un siècle et demi

Ce n’est pas seulement parce que l’invasion d’abord pressentie, et désormais effective de l’Ukraine par la Russie rappelle à de nombreux Tchèques l’occupation de leur propre pays par les troupes soviétiques en août 1968, que ceux-ci se sentent particulièrement solidaires de leurs quasi voisins. Quasi, car en effet, la Tchécoslovaquie née des ruines de l’empire austro-hongrois a longtemps partagé une frontière commune avec le pays – frontière aujourd’hui partagée par la Slovaquie.

Tchécoslovaquie 1918-1938

Les puissances victorieuses de la Première guerre mondiale attribuent à la Tchécoslovaquie une région que se disputent plusieurs pays, une région à cheval entre la Slovaquie et l’Ukraine et connue sous de nombreuses dénominations, dont la plus courante : la Ruthénie subcarpathique. Pendant vingt ans, entre 1919 et 1939, la Ruthénie a ainsi été administrée par Prague, mais à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, la Tchécoslovaquie est obligée de la céder à l’Union soviétique.

Tchèques en Volhynie | Photo: Paměť národa

D’importantes minorités tchèques se trouvent également en Ukraine. Descendants de milliers de Tchèques qui ont quitté l’Autriche-Hongrie pour l’empire russe au XIXe siècle, en quête de prospérité plus à l’est, ils sont implantés en Volhynie dans le nord-ouest du pays. Certains de leurs aïeux ont combattu dans les rangs de l’armée de Ludvik Svoboda lors de la bataille du col de Dukla en 1944.

Si la plupart d’entre eux ne parlent plus le tchèque au profit de l’ukrainien et du russe, quelques centaines de ces Tchèques avaient exprimé la volonté de quitter cette région pour la République tchèque, à la suite de la révolution de 2014 en Ukraine et de l’annexion de la Crimée par la Russie.

Le gouvernement Sobotka de l’époque n’avait toutefois pas donné suite à leur appel, alors même que de nombreux « Tchèques de Volhynie », comme on les appelle, s’étaient réinstallés sur le territoire tchèque après la chute du régime communiste.

Un manque de réaction qui avait suscité la critique du président tchèque Miloš Zeman, par ailleurs prompt à qualifier l’annexion de la Crimée de « fait accompli ». Une position qui n’a d’ailleurs jamais été celle des précédents gouvernements tchèques qui ont suivi avec inquiétude les différentes étapes de l’escalade des tensions entre l’Ukraine et la Russie depuis près de dix ans, dont les incidents en mer d’Azov en 2018.

https://francais.radio.cz/la-republique-tcheque-se-pose-en-alliee-solide-de-lukraine-8139945

Une importante minorité ukrainienne en Tchéquie

Photo illustrative: Petr Tichý,  ČRo

C’est peu dire que les Ukrainiens font également partie intégrante de la marche de la société tchèque. Face à la pénurie de main d’œuvre endémique dans le pays, des programmes d’embauche ont été mis en place par le passé pour accueillir des travailleurs ukrainiens.

Photo illustrative: Martina Klímová,  ČRo

Au 30 juin 2021, 183 250 ressortissants ukrainiens vivaient en République tchèque selon le tout dernier recensement national, ce qui en fait la première minorité ethnique du pays. Toutefois ces chiffres officiels sont probablement en-deçà de la réalité en raison du travail illégal. Preuve de l’implantation significative de la communauté dans le pays, les élèves de nationalité ukrainienne représentent actuellement le plus grand groupe d'étrangers dans les écoles primaires et secondaires tchèques et le troisième groupe d'étudiants étrangers dans les universités, selon des statistiques récemment publiées par le ministère de l'Education.

A l’importante immigration économique des Ukrainiens qui a commencé dans les années 1990 et n’a cessé de croître depuis, pourrait bientôt s’ajouter, en raison de la guerre en Ukraine, une migration humanitaire avec un afflux de réfugiés que les autorités tchèques se sont d’ores et déjà dites prêtes à accueillir.

Ceci sans compter les personnes bénéficiant d’un permis de séjour de courte durée qui pourraient vouloir rester en Tchéquie plutôt que de rentrer dans un pays en guerre. D’ailleurs le ministère tchèque de l’Intérieur se voulait rassurant ce jeudi, annonçant via son compte Twitter que les ressortissants ukrainiens pouvaient rester dans le pays même après expiration de leur permis de séjour et n’avaient pas à se préoccuper de leur statut d'immigration dans l'immédiat.