La télévision publique tchèque encore sous pression
Tout comme il y a vingt ans, l’indépendance de la Télévision publique tchèque (Česká televize) risque-t-elle d’être à nouveau menacée ? Réponse dans cette nouvelle revue de presse. Un regard ensuite sur comment la pandémie semble défavoriser les jeunes. Un autre sujet traité : la position de la Tchéquie au sein du groupe de Visegrad en rapport avec le veto mis par la Pologne et la Hongrie au budget européen. Il y sera enfin question du faible intérêt des médias pour l’actualité internationale, en raison de la pandémie de coronavirus.
La Télévision tchèque : une mission publique rigoureusement suivie
« Une nouvelle fois, les médias publics tchèques doivent affronter des pressions ». Tel est le titre éloquent d’un commentaire publié dans la dernière édition de l’hebdomadaire Respekt qui se penche notamment sur la situation de la Télévision tchèque et dans lequel on peut lire :
« La politique tchèque tourne en rond. La dernière preuve, ce sont les récents événements liés à la Télévision tchèque, un média public, qui risquent de provoquer une crise. Elle éclaterait vingt ans après les protestations et les grèves pour le maintien de l’indépendance de la TV tchèque qui se sont déroulées en décembre 2000 et qui ont débouché sur les bouleversements de la scène politique. L’attention qui est vouée aux médias publics confirme que nous sommes une nouvelle fois à une période charnière, dans l’attente de guerres culturelles et politiques ».
Tout a commencé par la révocation de la commission de contrôle de la Télévision tchèque par le Conseil de l’audiovisuel qui compte désormais plusieurs nouveaux membres imposés par le mouvement ANO, les communistes et le parti d’extrême droite SPD. Toutefois, comme le remarque Respekt, chercher un bien-fondé à l’attaque contre la télévision n’a aucun sens, car le spectre de ceux que celle-ci contrarie et qui dénoncent son caractère prétendument trop « libéral » est large, à droite comme à gauche. Le commentateur en déduit que la Télévision tchèque a devant elle des temps difficiles. Et, tout en admettant que son avis n’est pas aujourd’hui particulièrement ‘trendy’, il conclue de la manière suivante :
« Il faut dire qu’en Tchéquie, nous avons des médias publics d’une très bonne qualité. Comparés à d’autres biens publics qui servent les citoyens, ils se situent à un niveau élevé. Hélas, les voix de ceux qui croient qu’ils devraient servir leurs propres intérêts au détriment de ceux des citoyens s’élèvent de plus en plus fortement. »
La Tchéquie, un pays pour les personnes âgées ?
« Ce pays n’est désormais que pour les personnes âgées », annonce le titre d’un commentaire publié dans une récente édition du quotidien Deník qui paraphrase celui du célèbre film américain des frères Coen, No country for old men, et qui indique :
« Il est possible que ‘l’année du Covid’ s’inscrira dans l’histoire comme une période où, chez nous, les intérêts des générations partantes ont prévalu sur les intérêts et les besoins des générations futures. Une année où les écoles ont été fermées non pas pour protéger les écoliers et les étudiants du covid mais pour protéger tous les autres, notamment les personnes âgées. Ce sont aussi les jeunes qui sont touchés le plus par la fermeture des salles de cinéma, des théâtres, des bibliothèques, des clubs, des cafés et des terrains sportifs. Il est formidable que les jeunes ne se révoltent pas et qu’ils respectent toutes les restrictions imposées. Plus encore : beaucoup d’entre eux aident dans des hôpitaux et dans des établissements de soins sociaux. »
Est-ce que nous autres tenons compte de tout ce dont les jeunes et les moins jeunes doivent se priver pour protéger la catégorie fragile et leur exprimons-nous notre reconnaissance, s’interroge le commentateur du journal Deník avant de conclure :
« La dernière gifle infligée aux jeunes, c’est la décision de la coalition gouvernementale de verser d’ici la fin d’année 5000 couronnes en plus à tous les retraités du pays, tout en omettant par exemple les familles monoparentales qui mériteraient autant sinon plus encore un tel ‘cadeau de Noël’. Cette année est ainsi une période qui n’offre pas de bonnes perspectives aux jeunes. Il ne serait pas étonnant qu’un jour quelqu’un propose la limite d’âge du droit de vote à 65 ans. Une façon d’empêcher que la Tchéquie ne soit qu’un pays pour les personnes âgées ».
La Tchéquie et la Slovaquie face à la rébellion des deux autres membres du groupe de Visegrad
La Tchéquie et la Slovaquie sont appelées à lier une alliance plus étroite que jamais, histoire de montrer à l’Europe un visage plus amiable du groupe de Visegrad. C’est du moins ce qu’estime un commentateur du site aktualne.cz en lien avec le blocage du plan de relance européen par la Pologne et la Hongrie, les deux autres membres du groupe. Il écrit à ce propos :
« La dernière rébellion de la Pologne et de la Hongrie est plus grave que d’autres précédents malentendus au sujet des finances de l’Union européenne. Pour la Tchéquie et la Slovaquie, deux pays orientés sur les exportations, la situation est particulièrement malheureuse. A Bruxelles, rares sont effectivement ceux qui savent exactement discerner les quatre pays membres du groupe de Visegrad. La rébellion étant tant bien que mal attribué à l’ensemble du groupe, la Tchéquie et la Slovaquie devraient donc se montrer, sans pour autant enterrer entièrement l’alliance de Visegrad. »
Le commentateur du site aktualne.cz remarque en outre que la politique européenne de la Tchéquie est depuis longtemps peu lisible. Il explique :
« On pourrait même dire que le pays a mis en œuvre une sorte de ‘czexit’. Il ne l’a pas fait par le biais d’une résistance anti-Bruxelles aigüe, mais par l’abandon d’une politique européenne pertinente et claire. Bref, peu visible à Bruxelles, la Tchéquie se présente alors comme un pendant du groupe de Visegrad qui ne profite pas forcément aux intérêts nationaux tchèques. Sa politique a donc besoin d’une forte reconstruction ».
Il faut aussi, comme le souligne le commentateur, « que la Tchéquie et la Slovaquie parlent à Bruxelles d’une seule voix et qu’elles fassent savoir qu’il y a des moments comme celui que l’on connaît aujourd’hui où elles ne partagent pas les positions de la Pologne et de la Hongrie ».
Ces événements que la pandémie a mis en marge de l’intérêt des médias
A l’heure actuelle, les médias locaux se concentrent prioritairement sur la pandémie de coronavirus, les événements qui se déroulent sur la scène internationale demeurant dans une large mesure en marge de leur intérêt. C’est un constat fait par l’auteur d’un texte mis en ligne sur le site info.cz :
« Durant la pandémie, les enjeux liés à la démocratie et à la société libre ont été repoussés en arrière-plan, non seulement à cause des restrictions adoptées, mais aussi en raison du désintérêt des gouvernements nationaux à l’égard de ce qui se passe en dehors de leurs frontières. Cela concerne également les médias. Ainsi, par exemple, les activistes qui luttent dans différents pays pour les changements démocratiques de leurs sociétés, attirent moins l’attention qu’en temps normal, ce qui influence évidemment le résultat de leurs efforts. Il existe pourtant des événements qui ne font pas la une des journaux mais le mériteraient ».
Les manifestations en Biélorussie, les protestations en Allemagne contre le firmes qui continuent leurs affaires en Biélorussie, la situation à Hongkong, la guerre civile en Ethiopie, l’évolution au Haut-Karabach, les terroristes islamistes en Afrique, autant d’exemples d’événements, de régions et de situations à risque dont le nombre, selon le commentateur du site info.cz, ne s’est pas amoindri. Bien au contraire, remarque-t-il, avant de noter en conclusion :
« Pendant que nous demeurons confinés à la maison, il existe des forces qui ont su profiter de la situation. Plus longtemps nous nous soumettons aux contraintes du lockdown, plus longue sera également la période permettant de réparer les dégâts qui n’ont rien à voir avec la pandémie. Les médias doivent désormais réorienter leur attention vers ce qui le mérite vraiment. »