La guerre en Ukraine dicte l’agenda des présidences française et tchèque de l’UE
Alors que la République tchèque assumera à partir du 1er juillet la présidence du Conseil de l’Union européenne, à la suite de la France, le Premier ministre tchèque Petr Fiala (ODS) a été reçu mardi par le président Emmanuel Macron au palais de l’Elysée. Outre ces présidences successives, la guerre en Ukraine, la sécurité énergétique, la coopération militaire et le nucléaire étaient, entre autres, au programme de cette rencontre bilatérale.
Accueil par la garde républicaine munie de sabres sur le perron de l’Elysée, tutoiement de rigueur et grands sourires : la rencontre entre Petr Fiala et le président français Emmanuel Macron se voulait sereine en dépit du sujet numéro un qui a bouleversé ces présidences successives de l’Union européenne, comme l’a rappelé le chef du gouvernement tchèque en amont des discussions bilatérales :
« La présidence française a dû faire face à de nombreux défis, dont certains n’étaient pas prévisibles et ont été causés par la guerre en Ukraine. La France les a affrontés avec un grand succès. Je considère que le plus grand succès est l’unité de l’Europe, son rassemblement sur une position commune et sur les sanctions contre la Russie. »
A cet égard, le président Macron n’a pas manqué de souligner le rôle majeur joué par la République tchèque dans l’accueil des réfugiés ukrainiens fuyant les bombardements :
« Nos présidences reflètent le contexte géostratégique actuel et nous avons successivement la tâche d’organiser la réponse européenne à la guerre en Ukraine. Car cette guerre que la Russie a choisi de mener transforme profondément notre agenda. Il s’accélère, s’intensifie, il nous a menés à faire des choix historiques dans un esprit d’unité et de responsabilité. Et je veux ici souligner la solidarité exceptionnelle de la République tchèque qui a accueilli plus de 350 000 personnes venant d’Ukraine. Je salue aussi nos actions conjointes sur le flanc oriental avec des chasseurs aériens français et tchèques qui patrouillent aujourd’hui en Estonie, démonstration s’il besoin en était de ce travail conjoint et de cette vision commune de notre Europe. »
La visite de Petr Fiala à Paris s’inscrit dans un contexte où malgré les déclarations d’intention sur l’unité européenne, certains clivages réapparaissent entre l’est et l’ouest de l’Union dans la vision et la compréhension de l’invasion russe de l’Ukraine et de la façon dont ce conflit devrait se dénouer.
Les propos réitérés par deux fois du président Macron sur la nécessité de ne pas « humilier la Russie », vus comme une manière de ménager Moscou, ont suscité des commentaires réprobateurs de Kyiv à Tallinn en passant par certaines capitales de l’Europe centrale. A cet égard, Petr Fiala s’était donné pour mission de relayer la position des pays d’Europe centrale sur l’attitude à adopter vis-à-vis de la Russie tout en étant à l’écoute de la vision française :
« Emmanuel Macron m’a assuré du fait que ce n’est pas parce qu’il discutait avec Vladimir Poutine qu’il partageait ses opinions et que cela n’affaiblissait pas sa position de soutien vis-à-vis de l’Ukraine. Il considère comme important de savoir comment pense le président russe et jusqu’où il est prêt à aller. Je pense que cet échange d’expériences entre nous est important. En ce qui concerne les fondamentaux, nous avons la même vision : la Russie est incontestablement coupable, la Russie est l’agresseur, la Russie doit arrêter de mener une politique agressive et l’Ukraine est un pays que nous devons aider de toutes nos forces. »
Le Premier ministre tchèque a souligné l’importance du partenariat stratégique entre les deux pays, s’est félicité de ce premier rendez-vous bilatéral avec Emmanuel Macron après plusieurs rencontres bruxelloises et s’est dit convaincu que la présidence de l’UE renforcerait les relations franco-tchèques. Si Prague n’a pas encore annoncé officiellement les priorités de sa présidence du Conseil de l’UE, pour Petr Fiala, plusieurs thématiques assureront la continuité entre les présidences française et tchèque :
« Il y a de nombreux thèmes qui vont être passés en relais entre les deux présidences. Nous ne présenterons toutefois les priorités de notre présidence qu’à la mi-juin. Mais sans aucun doute, certains thèmes sont évidents : l’Ukraine, les réfugiés ukrainiens et toutes les conséquences de la guerre, la reconstruction de l’Ukraine après la guerre. Ce sont tous des thèmes qui concerneront la présidence tchèque de l’UE. La sécurité énergétique de l’Europe sera un thème très important pour nous aussi, mais nous devons également anticiper la résistance économique de l’Europe et le renforcement de sa capacité de défense. »
Si la visite du Premier ministre tchèque à Paris est passée totalement inaperçue dans les médias français très préoccupés par les législatives, le passage de flambeau entre Paris et Prague s’annonce sans heurts et loin de la petite polémique qui avait entouré en 2009 la première présidence tchèque du Conseil de l’UE, autour d’un spot TV ambigu aux relents eurosceptiques. En dépit de l’appartenance de Petr Fiala à un parti de droite qui n’a pas toujours hésité par le passé à mettre en avant cet euroscepticisme, clairement la guerre en Ukraine et la nécessité d’unité a définitivement balayé ce type de considérations.