Cisjordanie : le chef de la diplomatie tchèque s’inquiète des conséquences d’une éventuelle annexion israélienne

Tomáš Petříček, photo: Twitter de Tomáš Petříček

Le ministre des Affaires étrangères tchèques et deux de ses prédécesseurs ont publié, dans l’édition de samedi dernier de Právo, un quotidien national de gauche, une déclaration commune dans laquelle ils critiquent le plan israélo-américain visant notamment à l’annexion de la vallée du Jourdain et des colonies juives situées en Cisjordanie, estimant que sa mise en œuvre constituerait une violation du droit international. Une initiative avec laquelle se sont empressés de prendre leurs distances le président de la République Miloš Zeman et le Premier ministre Andrej Babiš, alors que la République tchèque et Israël se félicitent régulièrement de l’excellence de leurs relations.

Tomáš Petříček,  photo: Twitter de Tomáš Petříček

« Qu’adviendra-t-il des Palestiniens et de la démocratie israélienne ? » est le titre de cette déclaration commune rédigée par Tomáš Petříček, actuel chef de la diplomatie tchèque, et par deux de ses prédécesseurs au Palais Černín, son collègue social-démocrate Lubomír Zaorálek, qui occupe actuellement les fonctions de ministre de la Culture, et le député Karel Schwarzenberg, membre du parti libéral TOP 09 et candidat à l’élection présidentielle en 2013.

Le texte critique ce qui a été présenté comme un « plan de paix » pour le Moyen-Orient par Donald Trump à Benjamin Netanyahou en janvier dernier, lors de la visite du Premier ministre israélien à la Maison Blanche. Rejeté par les autorités palestiniennes, ce plan accorde à l’Etat hébreu nombre de concessions très sensibles, parmi lesquelles notamment la reconnaissance de Jérusalem comme capitale indivisible et celle de l'annexion par Israël à son territoire des colonies qu'il a implantées en Cisjordanie occupée, en particulier dans la vallée du Jourdain.

Tomáš Petříček, Lubomír Zaorálek et Karel Schwarzenberg estiment que ce projet exclut la formation d’un futur Etat palestinien indépendant viable. « Il n’en va pas ‘seulement’ de ces territoires qu’une partie doit acquérir et l’autre perdre – et ce dans une mesure qui exclut de facto un Etat palestinien viable à l’avenir, peut-on lire dans l’article en question. Il en va du principe : l’acquisition d’un territoire par la force est formellement proscrite par la Charte des Nations Unies, qui est une sorte de ‘constitution mondiale’ et la pierre angulaire du fonctionnement des relations internationales dans le monde actuel. Et il en va également des conséquences humanitaires et sur les droits de l’homme d’une éventuelle annexion auxquelles il faut s’attendre et qui peuvent être lourdes. »

Un peu plus loin, les trois hommes se posent la question de savoir ce qu’il adviendra des Palestiniens qui ne vivront pas dans un Etat palestinien, tant pour ceux qui resteront sur le reste des territoires occupés que pour ceux qui vivront dans les territoires annexés. « Et qu’en sera-t-il de la démocratie israélienne s’il s’agit d’un Etat avec des habitants de première et de deuxième catégorie ? », se demandent-ils aussi, tout en affirmant être conscients des « nombreux problèmes graves du côté palestinien, y compris le gouvernement du mouvement Hamas, désigné par toute l’UE comme une organisation terroriste, dans la bande de Gaza » et savoir « qu’Israël est un exemple rare de démocratie au Proche-Orient, mais [que] cela ne concerne que ses propres citoyens, pas les Palestiniens dans les territoires occupés ».

Enfin, les trois ministres ou anciens ministres rappellent la riche histoire et l’excellence des relations tchéco-israéliennes depuis la fondation de l’Etat tchécoslovaque en 1918, la République tchèque pouvant même être aujourd’hui considérée comme un des pays les plus pro-israéliens au sein de l’UE. « La République tchèque et Israël sont des amis, conclut d’ailleurs la déclaration. Etre sincère l’un envers l’autre et savoir être à l’écoute de l’autre sont le privilège et une composante indispensable d’une véritable amitié. C’est dans cet esprit que nous envisageons aussi notre article commun tout en restant à l’écoute de ce que nos amis disent. Tout cela codéfinira notre approche dans la volonté de parvenir à une position européenne commune. »

Une initiative « inacceptable » pour Andrej Babiš

Toutefois, selon le chef de l’Etat, Miloš Zeman, qui est favorable à un transfert de l’ambassade tchèque à Jérusalem, cette position nuit à la qualité des relations entre les deux pays, et ce alors que le nouveau gouvernement israélien envisage de lancer le processus d'annexion de près d'un tiers de la Cisjordanie en juillet prochain. Le porte-parole du président a déclaré que cet article constituait « un désaveu de la politique extérieure qui a été celle jusqu’à présent de la République tchèque vis-à-vis de l’Etat d’Israël. »

Andrej Babiš,  photo: ČTK/Václav Pancer
De son côté, Andrej Babiš a rappelé que la politique extérieure était définie par l’ensemble du gouvernement et considère par conséquent comme « inacceptable que dans une affaire aussi importante que le sont les relations avec Israël, des membres du gouvernement, dans le cas présent deux ministres, publient leur propre position, qui n’a jamais été consultée à l’échelle du gouvernement et qui est considérée à l’étranger comme la position de la République tchèque. »

Autant de reproches auxquels le ministère des Affaires étrangères a réagi en indiquant que cet article écrit en commun était une réflexion des ministres, et que c’est pour cette raison qu’il avait été publié sous forme de commentaire dans un quotidien. « La réflexion de ministres qui veulent contribuer au développement de la coopération avec Israël et ont soutenu à plusieurs reprises leurs amis israéliens », selon sa porte-parole. La semaine dernière, lors d'une visioconférence sur le sujet avec ses collègues européens, Tomáš Petříček s’est prononcé contre l’adoption de sanctions, ne se rangeant ainsi pas aux côtés des partisans d’une ligne dure contre Israël.